Premiers touchés, derniers prévenus. Au moment où le président émirati de la COP 28 Sultan Al-Jaber a fait retentir son marteau en bois, mettant un terme au sommet ce mercredi 13 décembre, l’alliance des petits Etats insulaires (Aosis) est restée de l’autre côté de la porte. «Nous ne voulions pas interrompre l’ovation, mais nous sommes un peu confus», a admis Anne Rasmussen, représentante des îles Samoa, qui préside l’alliance regroupant entre autres Tuvalu, Vanuatu et Singapour.
«Nous étions en train de travailler dur pour coordonner les 39 petits Etats insulaires en développement […] et nous avons donc été retardés pour venir ici», a-t-elle justifié une fois entrée dans la salle. Refusant pour autant de s’abstenir, la représentante a tenu à lire, émue, le discours qu’elle avait prévu de délivrer avant l’adoption. «Nous sommes arrivés à la conclusion que le changement de trajectoire dont nous avons besoin n’a pas été assuré», a fustigé Anne Rasmussen, rappelant que les nations de l’Aosis «sont affectées de manière disproportionnée par le changement climatique».
«Nous avons fait un pas en avant par rapport au statu quo mais c’est d’un changement exponentiel dont nous avions vraiment besoin», a insisté Anne Rasmussen. Sa déclaration a été conclue par de longs applaudissements de la part de représentants européens et d’autres nations, ainsi que par des représentants de la société civile, unanimement debout au fond de la salle. Quelques minutes seulement après l’ovation qui avait accompagné la conclusion de l’accord.
«Les territoires deviendront invivables»
Les Etats insulaires figurent parmi les plus durement affectés par le réchauffement climatique. «Le premier effet, c’est l’élévation du niveau des mers, qui vient petit à petit grignoter ces territoires», précise à Libération Françoise Vimeux, climatologue et directrice de recherche à l’Institut de recherche pour le développement (IRD). Au-delà de leur caractéristique même de territoire insulaire, ces nations – majoritairement situées dans la bande tropicale – sont aussi particulièrement vulnérables de par leur emplacement géographique. «Ce sont des endroits où on voit se développer des ouragans, qui vont être plus intenses avec le changement climatique et vont donc provoquer des submersions marines plus importantes.»
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Faute d’action concrète, les Etats insulaires le répètent : ils risquent de disparaître. «Et avant même d’être engloutis, les territoires deviendront invivables, et pousseront les populations à partir», insiste Françoise Vimeux. Menacées, ces petites îles en développement ont un mantra : «limiter le réchauffement climatique en dessous de la limite de 1,5°C», comme a tenu à le rappeler le 4 décembre Cedric Schuster, ministre de l’Environnement des Samoa. Une ligne rouge, qui permettrait selon Françoise Vimeux de contenir «les conséquences du réchauffement climatique dans les décennies à venir, et peut-être permettre aux nations d’avoir le temps de s’adapter».
Un texte insuffisant
Résultat : depuis plusieurs années maintenant, les Etats insulaires martèlent l’importance de sortir des énergies fossiles afin de respecter l’objectif de l’accord de Paris. Ce mercredi matin, et pour la première fois à l’issue d’une COP, le texte de clôture appelle à une «transition vers la sortie des énergies fossiles dans les systèmes énergétiques». Une décision qualifiée d’«historique» par de nombreux pays, contrastant avec les réserves et inquiétudes émises par l’Aosis. «Un des points faibles certainement, c’est qu’il manque un agenda et des précisions de mise en œuvre. Tout ça fait que, finalement, ce texte n’est pas suffisamment contraignant aux yeux des Etats particulièrement vulnérables.»
Rongés par la montée des eaux, les Etats de l’Aosis espéraient une décision plus forte à l’égard des énergies fossiles. Des décisions «qui répondent à l’ampleur de la crise climatique, qui répondent aux attentes du monde à notre égard et qui sont nécessaires pour assurer l’avenir des générations futures», avaient-ils réclamé dans leur discours de clôture. Sans pour autant contester l’adoption du texte, l’alliance l’aura fait comprendre : ce n’est toujours pas assez.