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Libération
Reportage

30 ans du génocide au Rwanda : le défi de la mémoire

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Génocide des Tutsis au Rwandadossier
Alors que le retour des violences ethniques dans la RDC voisine réveille certaines hantises, enseigner l’histoire du génocide des Tutsis sans susciter les haines demeure complexe dans un pays où les enfants des bourreaux croisent chaque jour ceux de leurs victimes.
Le petit séminaire de Saint-Pie-X, à Nyundo, dans l'ouest du Rwanda, a été le théâtre de massacres lors du génocide, en 1994. (Paloma Laudet/Libération)
publié le 3 avril 2024 à 20h53

On pourrait presque se croire dans un monastère en Toscane. Des bâtiments en briques rouille, reliés par des préaux, encadrent des parterres de fleurs soigneusement entretenus : le petit séminaire de Saint-Pie-X à Nyundo, dans le nord-ouest du Rwanda, impose d’emblée une impression de sérénité. Fondé en 1952, cet internat très prisé accueille 450 élèves du secondaire. Tous des garçons, vêtus de chemises blanches impeccables. Trente ans après le génocide des Tutsis, ils l’évoquent comme on récite une leçon : «La colonisation belge nous a divisés en ethnies», rappelle Kizito. «Une propagande de haine a manipulé les esprits», constate Justin. Ils n’ont pas vécu les trois mois de bain de sang en 1994. Pas plus que leur prof d’histoire, John, lui-même né cette année-là.

Dans la salle des profs, il feuillette les manuels qui abordent cette période douloureuse de l’histoire du pays. C’est d’autant plus sensible que les ethnies hutues comme tutsies ont été officiellement proscrites depuis la fin du génocide. Il n’y a plus que des Rwandais, censés oublier les divisions du passé. Mais comment enseigner cette longue histoire de l’idéologie raciste qui a imprégné les esprits depuis 1959, sans évoquer l’appartenance ethnique ? «On est obligé d’en parler, de dire qui sont les victimes et les coupables. Mais on insiste toujours sur le fait que ça appartient au passé», souligne John.

Dans les manuels, les faits sont clairement énoncés : «Les massacres ont été soigneuse