Dans la grouillante capitale guinéenne, la course en taxi-moto s’apparente parfois à une visite guidée des biens mal acquis. «A ma gauche, c’est à Baidy Aribot [vice-gouverneur de la Banque centrale de 2017 à 2021, ndlr]», montre Abdoul, 32 ans, en manœuvrant dans les bouchons telle une fourmi nerveuse. On aperçoit trois villas cossues à flanc de colline. Puis, au niveau d’un immeuble résidentiel beige de six étages : «Là, c’est à Bantama Sow. Un chauffeur de taxi aux Etats-Unis qui est devenu ministre de la Jeunesse avec Alpha [Condé, au pouvoir de 2010 à 2021].» A Camayenne, quartier huppé proche du centre, c’est une élégante tour noire et blanche qui retient l’attention du chauffeur. «Diané, Diané», dit-il en filant. Allusion à l’ex-ministre de la Défense Mohamed Diané, qui «a aussi plein de villas», selon Abdoul. Nul secret n’entoure la propriété de ces biens étalés dans Conakry : «Même les enfants connaissent ça !»
Coup d'Etat
«Les dossiers étaient rangés dans des tiroirs»
Comment d’anciens ministres du régime Condé, dont le salaire mensuel plafonnait à 1 000 euros, ont-ils pu se constituer un tel patrimoine immobilier ? Nombre d’entre eux s’en expliquent désormais devant la Cour de répression des infractions économiques et financières (Crief). Créée en décembre, cette juridiction spéciale composée de 25 magistrats est la concrétisation d’une promesse du lieutenant-colonel Mamady Doumbouya, le tombeur d’Alpha Condé. «La justice sera notre boussole», avait-il déclaré au lend