Il aura fallu presque dix jours pour apercevoir l’issue de ce scrutin contesté. Andry Rajoelina, 49 ans, qui se présentait pour un second mandat à la présidence de Madagascar, a remporté 58,95 % des suffrages exprimés, selon les résultats annoncés lors d’une conférence de presse à Antananarivo et qui doivent encore être validés par la Haute cour constitutionnelle, plus haute juridiction du pays. Boycottée par une large partie de l’opposition, cette victoire est déjà contestée en justice par un opposant candidat.
«Le peuple malgache a choisi la voie de la continuité, de la sérénité et de la stabilité», s’est pourtant félicité le président malgache devant la presse peu après. Remerciant les électeurs pour leur «sagesse», il a assuré qu’ils se sont «exprimés librement». Elu depuis 2018, Andry Rajoelina avait accédé une première fois au pouvoir en 2009 à la faveur d’une mutinerie chassant l’ex-président Marc Ravalomanana.
Abstention record
Onze millions de Malgaches inscrits sur les listes électorales ont été appelés aux urnes le 16 novembre. Ils devaient choisir entre l’actuel président et douze autres candidats officiels. Mais dix candidats de l’opposition rassemblés dans un collectif, dont deux anciens présidents, avaient appelé les électeurs à «considérer que ces élections n’existent pas». Ils ont refusé de faire campagne. Le taux de participation au scrutin a été à peine supérieur à 46 %, en baisse par rapport à la précédente présidentielle en 2018.
«J’ai déposé deux requêtes pour demander l’annulation du scrutin et la disqualification d’Andry Rajoelina», a déclaré à l’AFP le candidat de l’opposition, Siteny Randrianasoloniaiko, 51 ans. Accusant le président sortant de fraude, il a ajouté : «Il a volé. Il a acheté les voix. La Ceni a changé les chiffres.» Selon les documents déposés auprès de la HCC et dont l’AFP a eu copie, Siteny Randrianasoloniaiko a déposé une requête «aux fins d’annulation des opérations électorales sur l’ensemble du territoire».
«Quels résultats ? Quelle élection ?», a répondu à l’AFP un représentant du collectif d’opposants à une demande de commentaire sur la victoire de Rajoelina. Le groupe avait déjà annoncé vendredi que ses membres ne reconnaîtraient pas les résultats. «Nous ne reconnaîtrons pas les résultats de cette élection illégitime, truffée d’irrégularités, et nous déclinons toutes responsabilités sur l’instabilité politique et sociale qui pourrait en découler», ont-ils mis en garde.
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Les élections sur la grande île de l’océan Indien, depuis son indépendance de la France en 1960, se sont rarement conclues sans être assorties de contestations ou d’une crise. Quasi quotidiennement et pendant des semaines avant la présidentielle, le collectif avait appelé à manifester à Antananarivo. Les manifestations, qui n’ont pas été massivement suivies, avaient été régulièrement dispersées à coups de gaz lacrymogènes.
«Coup d’Etat institutionnel»
La crise politique dans le pays a été déclenchée en juin par la révélation de la naturalisation française, en toute discrétion, d’Andry Rajoelina en 2014. Selon l’opposition, cela devait l’empêcher de se présenter mais la justice a refusé d’invalider sa candidature. Le collectif d’opposants candidats a accusé le pouvoir de manœuvrer pour reconduire l’actuel chef de l’Etat et dénoncé «un coup d’Etat institutionnel». Ils ont réclamé une suspension du processus électoral et l’intervention de la communauté internationale.
Huit pays et organisations, dont les Etats-Unis et l’Union européenne, ont exprimé ces derniers mois leur «préoccupation» après des tensions lors de manifestations et dénoncé un usage excessif de la force contre l’opposition. Le collectif a par ailleurs dénoncé des irrégularités pendant la tenue du scrutin : bureaux de vote fermés, manque d’urnes, emploi par le candidat sortant de ressources de l’Etat pour sa campagne. L’un des deux opposants restés formellement dans la course, Siteny Randrianasoloniaiko, a également dénoncé «des anomalies préoccupantes» qui, selon lui, «soulèvent des questions légitimes sur la validité des résultats».
L’élection s’est déroulée «dans des conditions régulières et transparentes», affirme ce samedi Arsène Dama, président de la commission électorale dont l’impartialité est mise en doute par l’opposition, qui taxe l’organisation d’être «à la botte du pouvoir». La commission électorale a par ailleurs accusé le «climat politique ambiant» ainsi qu’une «manipulation de l’opinion» d’être à l’origine du manque de participation au scrutin. Selon la loi, les recours en cas de contestation peuvent être déposés auprès de la HCC dans un délai de deux jours après la présentation des résultats par la Ceni. La haute juridiction a ensuite sept jours pour se prononcer et proclamer les résultats définitifs.
Mis à jour à 16 h 15, avec un recours déposé par un candidat de l’opposition.