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Libération
Répression

A Madagascar, les militaires annoncent «prendre le pouvoir», dissoudre le Sénat et la Haute cour constitutionnelle

Plus tôt dans la journée, le chef d’Etat Andry Rajoelina, qui s’est exfiltré afin de fuir le mouvement de contestation qui déchire son pays, avait publié un décret mardi 14 octobre annonçant la dissolution de l’Assemblée nationale, que les militaires ont décidé de laisser «continuer à travailler».

Le président Andry Rajoelina le 13 octobre. (RIJASOLO/AFP)
Publié le 14/10/2025 à 13h08, mis à jour le 14/10/2025 à 18h33

Après la destitution et la tentative de dissolution, la prise de pouvoir. L’unité militaire qui s’est ralliée au mouvement de contestation contre le président malgache Andry Rajoelina à Madagascar a annoncé ce mardi 14 octobre qu’elle allait s’emparer du pouvoir. «On va prendre le pouvoir à partir d’aujourd’hui et on dissout le Sénat et la Haute cour constitutionnelle», a annoncé le colonel Michael Randrianirina devant le palais présidentiel. A l’inverse, «l’Assemblée nationale [que le président malgache a annoncé dissoudre le matin même], on la laisse continuer à travailler».

«On va mettre en place un comité composé d’officiers venant de l’armée, de la gendarmerie, de la police nationale. Peut-être qu’il y aura des hauts conseillers civils là-dedans. C’est ce comité qui va assurer le travail de la présidence. En même temps, après quelques jours, on va mettre en place un gouvernement civil», a assuré au micro de l’AFPTV le colonel Randrianirina, à la tête de la Capsat. De son côté, la Haute cour constitutionnelle, ayant constaté la «vacance» du poste de président, a «invité» dans un communiqué «l’autorité militaire compétente incarnée par le colonel Randrianirina Michaël, à exercer les fonctions de chef de l’Etat».

Rajoelina visé par un «empêchement temporaire»

Plus tôt mardi 14 octobre, Andry Rajoelina avait annoncé par décret la dissolution de l’Assemblée nationale avant un vote le visant pour abandon de poste. La veille, il avait écarté toute démission en appelant à «respecter la Constitution», dans sa première prise de parole depuis un lieu inconnu où il s’est réfugié, après le ralliement ce week-end des militaires à la contestation qui agite le pays.

Le décret a été diffusé sur la page Facebook de la présidence et son authenticité a été confirmée par l’entourage du président. «Ce choix s’impose pour rétablir l’ordre au sein de notre nation et renforcer la démocratie», a-t-il justifié dans un message sur les réseaux sociaux dans la foulée. Elu en 2018, puis réélu en 2023 pour un mandat de cinq ans lors d’un scrutin boycotté par l’opposition, Andry Rajoelina était sous la menace d’un vote le visant pour «empêchement temporaire» qui nécessitait la majorité des deux tiers de l’Assemblée nationale.

Des députés de l’opposition assuraient avoir collecté suffisamment de signatures pour procéder au vote lors d’une session extraordinaire mardi qu’ils justifient par une vacance du pouvoir, le chef de l’État ayant selon la radio française RFI quitté le pays dimanche à bord d’un avion militaire français. A présent que l’Assemblée est dissoute, les prochaines élections législatives devraient donc se tenir à compter de cette date dans «soixante jours au moins et quatre-vingt-dix jours au plus» selon la Constitution. De quoi renforcer le sentiment d’incertitude des habitants de cette île très pauvre de l’océan Indien.

Une mobilisation massive

Depuis le 25 septembre, l’île est agitée par un mouvement de mobilisation massif menée par le collectif Gen Z, puis joints par des fonctionnaires appelés à la grève par plusieurs syndicats. Et durant le week-end, une unité militaire, le Capsat, qui avait joué un rôle majeur dans le coup d’Etat de 2009 ayant porté au pouvoir Andry Rajoelina à la suite déjà d’une mobilisation populaire a rejoint les rangs des manifestants.

Ceux-ci ont par ailleurs appelé les forces de sécurité à «refuser de tirer» sur les manifestants. A cette heure, le mouvement ne faiblit pas puisque à l’annonce de la dissolution, des milliers de Malgaches se sont à nouveau rassemblés à Antananarivo pour protester.

Des vols toujours suspendus

Déjà plongée dans un tumulte politique, l’île va continuer quelque temps d’être coupée du monde, car Air France a annoncé mardi 14 octobre prolonger la suspension de ses liaisons entre l’aéroport Paris Charles de Gaulle et Antananarivo au moins jusqu’à vendredi 17 octobre inclus «en raison de la situation sécuritaire à destination. La reprise des opérations restera soumise à une évaluation quotidienne de la situation sur place», a ajouté la compagnie aérienne française.

Celle-ci a suspendu la desserte de Madagascar samedi dernier, et devait reprendre ce mardi 14 octobre. Contactée, Air Austral, autre compagnie française desservant Madagascar et basée à La Réunion, a indiqué maintenir ses vols pour l’instant et continuer à surveiller la situation.

Mise à jour à 16 h 29 avec la prise de parole des militaires.