C’est un scénario qu’il n’avait certainement pas envisagé lorsqu’il incarnait le pouvoir absolu. L’ancien président Abdelaziz Bouteflika, décédé vendredi à l’âge de 84 ans, déchu en avril 2019 sous la pression populaire, a été inhumé dimanche après-midi au carré des martyrs du cimetière d’El-Alia à Alger, avec bien moins de marques d’honneur que ses prédécesseurs. Les autorités algériennes ont refusé de lui organiser des funérailles nationales.
Le cortège funèbre accompagné d’un déploiement protocolaire et sécuritaire d’usage a démarré à 12h30 de la résidence d’Etat médicalisée de Zeralda située à l’ouest d’Alger, où vivait l’ex-président depuis un AVC en 2013, sans marquer un arrêt au Palais de Peuple. C’est là qu’habituellement la dépouille des chefs de l’Etat est exposée pour permettre aux officiels, aux corps constitués et à la population de se recueillir. Les obsèques se sont donc déroulées a minima, sans démonstration publique de deuil, mais dotées tout de même d’un cachet officiel puisque son cercueil était porté par un char recouvert du drapeau national et escorté par des motards jusqu’au cimetière. Quelques curieux avaient fait le déplacement pour filmer l’événement avec leurs téléphones portables. Jusqu’à dimanche matin, l’incertitude planait sur le lieu où allait être enterré Abdelaziz Bouteflika, resté une vingtaine d’années au pouvoir (1999-2019), le record de longévité d’un chef d’Etat à la tête du pays.
Nervosité et embarras
Après 24 heures de flottement, le ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, a été le premier haut responsable à manifester à Abdelaziz Bouteflika une certaine loyauté, en présentant publiquement ses condoléances à sa famille et ses proches. «Bouteflika fait désormais partie de l’histoire de son peuple et de la communauté internationale», leur a-t-il écrit. Cette attitude illustre bien le malaise des gouvernants actuels vis-à-vis de l’héritage Bouteflika. En organisant finalement des funérailles sans faste, ils ont évité de renier complètement son héritage et de marquer une rupture totale avec ses vingt ans de règne entachés de dizaines de scandales de corruption, objets de procès en cours.
Le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, qui fût Premier ministre sous Bouteflika, ainsi que des membres du gouvernement et des hauts responsables ont assisté sans annonce préalable officielle à la mise sous terre de la dépouille de Bouteflika après avoir manifesté une certaine nervosité et embarras dans la gestion de sa disparition. Des diplomates étrangers étaient également présents.
En images
Le ministre des Moudjahidines (les anciens combattants) et des Ayants droit, Laid Rebiga, a prononcé devant les membres de la famille Bouteflika une oraison funèbre, revenant longuement et élogieusement sur le parcours du président déchu. Pourtant, dans un premier temps les autorités avaient semblé retenir uniquement l’option d’une mise en berne de l’emblème national pendant trois jours craignant, en manifestant davantage d’égards vis-à-vis de l’ex président, de provoquer une colère populaire.
Dimanche après-midi, le président français, Emmanuel Macron, a présenté ses condoléances à la famille de l’ancien président et «au peuple algérien». Il a qualifié Abdelaziz Bouteflika de «figure majeure» de l’Algérie contemporaine et de «partenaire exigeant pour la France». Le roi du Maroc, Mohammed VI, a adressé un message de «compassion» à Abdelmadjid Tebboune, en dépit de fortes tensions entre les deux pays.
Accro au pouvoir, Abdelaziz Bouteflika n’aura pas été honoré, comme il l’aurait souhaité, dans le faste qui a marqué ses quatre mandats – il en briguait un cinquième avant sa démission forcée. Mais plutôt dans la discrétion et surtout l’indifférence des Algériens.