A Nouakchott, la circulation est à la fois fluide, lente et imprévisible comme le mouvement des poissons dans un aquarium. Au sommet de la chaîne alimentaire automobile trône la femme maure. Les autres conducteurs la considèrent avec respect et prudence. Les policiers n’osent pas la siffler. D’ailleurs, si un malheureux agent de la route s’avisait par mégarde d’arrêter son véhicule, elle ne ralentirait sans doute pas, et insulterait copieusement l’imprudent fonctionnaire. «Ici, la femme est reine», disent souvent les Mauritaniens, avec fierté ou agacement, selon l’interlocuteur. L’assertion est fallacieuse : les égards – bien réels – qui lui sont dus dans l’espace public masquent de profondes inégalités de genre. Et ils valent surtout pour une catégorie de la population : les femmes maures en haut de l’échelle sociale.
Cette exceptionnalité de statut vaut aussi dans leurs mariages, ou plutôt dans leurs remariages. Il n’existe pas de statistiques officielles (le mariage est souvent un acte uniquement religieux, non inscrit à l’état civil), mais il ne fait aucun doute qu’ici, les divorces sont plus fréquents qu’ailleurs au Sahel, au Maghreb ou en Afrique de l’Ouest. En république islamique de Mauritanie, les femmes maures se marient fréquemment deux, trois, quatre fois, voire davantage. Sans être le moins du monde mal vues pour cela. Bien au contraire.
Reportage
«A aucun moment, je n’ai eu la moindre honte, ou gêne, de dire que j’étais divorcée», s’étonne Sarah, 36 ans. Elle