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Vu de Tunis

Arrestations d’opposants en Tunisie : «On a basculé dans une paranoïa d’Etat»

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Un an après les premières arrestations de dirigeants politiques, les détenus sont toujours dans le flou quant à leur avenir judiciaire. Bien que muselée, l’opposition veut profiter de l’élection présidentielle de l’automne pour renverser Kaïs Saïed.
Dans sa cuisine de Boumhel, en banlieue de Tunis, Sofia prépare un repas qu'elle amènera à son mari, l'ex-ministre Ghazi Chaouachi, emprisonné depuis bientôt un an. (Ahmed Noureddine/Nour Photo pour Libération)
publié le 10 février 2024 à 13h24

La femme du détenu n° 302730 glisse deux bouteilles en verre d’eau bouillante dans le sac isotherme où repose un saladier de macaronis et viande hachée à la sauce pimentée. «Au moins, je suis sûr qu’il aura un repas chaud», soupire Soufia Chaouachi avec d’autant plus de tristesse qu’en ce lundi 5 février, l’ancien ministre Ghazi Chaouachi fête son 61e anniversaire. Sur la table de sa cuisine, des salades de légumes et de fruits attendent d’être enfouies dans le couffin, mais il n’y a ni gâteau à la pistache – son préféré –, ni de photo de sa petite-fille de 18 mois qu’elle comptait lui offrir en cadeau. «Le gâteau, c’est parce que les gardiens craignent qu’on y cache des objets. Mais interdire une photo ! C’est le traitement spécial des prisonniers politiques comme mon mari», s’indigne la juge à la Cour de cassation. Depuis l’arrestation de son «âme sœur» le 24 février, la magistrate passe six jours par semaine à préparer les repas, faire les courses et se rendre au parloir.

Une autre fête amère se prépare dans les geôles : le premier anniversaire des arrestations d’opposants politiques. Le 11 février 2023, Khayam Turki (social-démocrate) est le premier à être incarcéré. Les jours et semaines qui suivent, une soixantaine d’autres le rejoignent, dont Ghazi Chaouachi (centre gauche) et