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Libération
Récit

Au Burkina Faso, la répression à plein régime : «Ils disent qu’on va aller au front et que si on est tués, tant mieux»

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Depuis le putsch du capitaine Ibrahim Traoré en septembre 2022, les violences contre les voix dissidentes de la société civile burkinabè se multiplient. Enlèvements, détentions, tortures et enrôlements forcés dans l’armée, l’appareil répressif est bien huilé.
Le dirigeant burkinabè Ibrahim Traoré lors d’une cérémonie à Ouagadougou le 15 octobre 2022. (Olympia de Maismont /AFP)
publié le 23 mai 2024 à 17h16

Il est à peine 13 heures ce 21 juillet 2023, quand l’«honorable» Issouf Nikièma quitte son domicile. C’est un vendredi, jour de prière collective pour les fidèles musulmans. Mais ce jour-là, l’ex-député-maire de Komsilga, à une vingtaine de kilomètres au sud de Ouagadougou, n’atteindra jamais la mosquée. Sur la route, un véhicule percute le sien. Quatre hommes en civil, armés et cagoulés, sont à bord. En quelques minutes, il disparaît avec eux. Qui a kidnappé l’édile ? Des bandits, des insurgés jihadistes, des hommes de l’appareil sécuritaire burkinabè ? La troisième hypothèse se dessine quand des posts sur la moralité douteuse d’Issouf Nikièma se déversent sur les réseaux sociaux. Personne n’y croit à Komsilga, où l’ancien élu jouit d’une forte popularité. Des habitants se mobilisent, la pression va crescendo.

Le 24 juillet au soir, l’ancien maire est relâché. Mais un mois plus tard, il échappe grâce à ses voisins à une nouvelle tentative d’enlèvement, en pleine nuit. «Je demande au gouvernement de m’éclairer sur ce que j’ai fait, lâche Issouf Nikièma face à la presse le 25 août. Si j’ai fauté, qu’on me convoque au lieu de venir chez moi à 4 heures.» Téméraire, il accuse l’Agence nationale de renseignement (ANR) d’être à la manœuvre.

Paradoxalement, Issouf Nikièma a eu de la chance. Dans son cas, la folle machine à enlever