Le rendez-vous est fixé dans un supermarché de Douala, la capitale économique du Cameroun. «Pas de notes ni d’enregistrement !» exige Cyril*, qui s’engouffre dans les rayons, drapé d’un boubou et affublé d’imposantes lunettes de soleil. «Si mon identité est révélée, soyez sûr qu’on retrouvera mon corps dans le fleuve», s’amuse ce trentenaire qui tient une boutique de téléphonie. Si l’on veut sa peau, c’est parce qu’il est le modérateur d’une des pages Facebook les plus suivies du pays, dédiée au sport préféré des Camerounais, le «kongossa». Ce terme d’argot issu de la langue sawa désigne les rumeurs publiques et commérages de quartier, allant des frasques des célébrités en mal d’exposition à la dernière polémique politique, en passant par la vie de Monsieur tout le monde.
«Tout est kongossa. C’est la chronique permanente de notre société, décrit Cyril. Ici, personne ne lit les journaux, personne ne croit la télévision. C’est grâce aux gens comme moi que les Camerounais s’informent et se forgent une opinion.» Ainsi, des déboires du Premier ministre pour détournements des fonds destinés à la lutte contre le Covid aux infidélités avérées ou supposées des stars, tout passe à la moulinette du kongossa. «Nous sommes une société de l’oralité, où le commérage n’a pas la même connotation négative qu’en Occident», explique Florian Ngimbis, 37 ans et créateur du blog kamerkongossa.cm. «La pudeur