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Libération
Présidentielle

Au Congo, mort du principal opposant à Denis Sassou-Nguesso

Samedi, à la veille de l’élection présidentielle, Guy-Brice Parfait Kolélas avait enjoint les Congolais à aller voter et averti être sur son «lit de mort». Positif au Covid-19, il s’est éteint en arrivant à Paris où il avait été transféré.
Guy-Brice Parfait Kolélas, le 17 mars 2016, lors de l'un de ses meetings à Brazzaville. (Marco Longari/AFP)
publié le 22 mars 2021 à 14h38

Le principal opposant dans les urnes à Denis Sassou-Nguesso, le président congolais, s’est éteint dans la nuit de dimanche à lundi, peu après son arrivée à Paris. Guy-Brice Parfait Kolélas, 60 ans, chef de file de l’Union des démocrates humanistes (UDH-Yuki) avait été transféré par avion médicalisé dimanche après-midi, en plein scrutin présidentiel. «Mes chers compatriotes, levez-vous comme un seul homme, votez pour le changement», avait-il intimé samedi soir, le souffle court, «sur son lit de mort», dans une vidéo postée sur les réseaux sociaux peu avant une coupure générale d’Internet. Kolélas avait été diagnostiqué positif au Covid-19, ses proches sont dans l’attente de l’analyse du médecin légiste.

Hagards, déboussolés, tristes

Ce lundi matin, à Brazzaville, les activités tournaient au ralenti. Etals de marchés parfois vides, «moyens» (minibus utilisés pour les transports en commun) à l’arrêt. Dans les quartiers sud acquis à Kolélas, c’est un coup de massue. Vers 9 h 30, devant le QG de l’UDH-Yuki à Bacongo Mpissa, une soixantaine de personnes sont agglutinées. Les regards sont hagards, déboussolés, tristes.

Rue Charles-de-Gaulle, une piste sablonneuse et cabossée de Bacongo Trois Francs, cinq hommes causent devant un garage. «On a appris la nouvelle vers 3 heures du matin, on s’est tous téléphoné dans le quartier, dit Massama, chômeur d’une cinquantaine d’années au visage creux. On est déçus. C’était notre leader et le candidat du changement. Maintenant on est coincés, y’a plus rien.» Espèrent-ils un éventuel report des élections ? «Peut-être. Ou peut-être dans cinq ans.» «Mais si c’est vraiment le coronavirus, pourquoi sa famille n’est pas malade ?» demande-t-il, alors qu’enfle la rumeur d’un empoisonnement de l’adversaire de Sassou-Nguesso, 77 ans. Le président sortant, trente-six ans cumulés au pouvoir, briguait ce dimanche un quatrième mandat successif.

«Tout ce qu’il y a de bien ici, c’est pour les Sassouistes»

Un peu plus loin, cinq jeunes hommes, eux aussi chômeurs, sont plantés devant une gargote, où le patron prépare en un tour de main, cafés, assiettes de pâtes, de haricots rouges, sandwichs garnis d’une grosse cuillère de mayonnaise. Helvy, 29 ans : «On est très tristes. Celui qui pouvait nous libérer vient de partir.» Tous font des petits boulots, au jour le jour. La vaisselle dans un restaurant pour une heure ou deux, le remplissage des bidons disposés devant les habitations du quartier pour parer aux coupures d’eau. «On a étudié, mais on n’a pas pu finir. Avec 200 francs CFA par jour, comment tu peux acheter des manuels, avoir ton bac ? Tout ce qu’il y a de bien dans ce pays, les cliniques, les logements sociaux, c’est pour le clan des Sassouistes [les proches du de Denis Sassou-Nguesso, ndlr]. Mais nous, c’est l’hôpital même qui nous tue, il n’y a rien là-bas. Regardez comme nous avons vieilli.»

Prégnante, inévitable, la question du rôle de la France suscite de véhéments débats. «Si le président Macron avait dit non à un nouveau mandat, on se serait soulevés pour dégager Sassou, enchaîne Mathias, voix rocailleuse. Regardez, on est rue Charles-de-Gaulle, c’est à Brazzaville qu’il a lancé les forces libres [il y a créé en octobre 1940 le Conseil de défense de l’Empire et l’émetteur de la France libre Radio Brazzaville, ndlr]. Nous sommes des parents.» En 2015, lors du référendum constitutionnel visant à lever le verrou de la limitation à deux mandats, ils étaient sortis dans la rue, pendant deux jours. «La preuve, dit Helvy en montrant une cicatrice sur son mollet, j’ai reçu une balle ici.»