Menu
Libération
Manifestations

Au Kenya, un an après le soulèvement de la «Gen Z», la jeunesse défie la police

Mobilisés contre le président Ruto et révoltés contre les violences policières, des milliers de manifestants sont redescendus dans les rues de Nairobi et des grandes villes du pays ce mercredi 25 juin. Seize personnes ont été tuées.
Le premier anniversaire de la manifestation meurtrière contre le gouvernement kényan, le 25 juin à Nakuru. (Suleiman Mbatiah/Reuters)
publié le 25 juin 2025 à 18h08
(mis à jour le 26 juin 2025 à 10h16)

Un an après, les revoici dans la rue. Ce mercredi 25 juin, des milliers de jeunes Kenyans ont à nouveau marché à à Nairobi mais aussi dans la grande ville côtière de Mombasa et d’autres comtés du pays, pour le premier anniversaire du mouvement citoyen inédit, et violemment réprimé, de juin 2024. La police, déployée en grand nombre, a affronté les manifestants pendant plusieurs heures. Dans tout le pays, 16 personnes ont été tuées et au moins 400 blessées, dont 83 sont dans un état grave, selon une coalition d’une vingtaine d’ONG de défense des droits humains, dont Amnesty international.

Le 25 juin 2024, la foule de contestataires appartenant à la «Gen Z», la génération de Kenyans nés dans les années 90 et 2000, avait brièvement occupé le Parlement pour réclamer le retrait de la loi de finances et la démission du président William Ruto. La réponse de la police avait été sanglante : plus de 63 personnes avaient été tuées au total, selon les organisations de défense des droits de l’homme. Le lendemain, William Ruto avait abandonné sa loi de finances.

Un an plus tard, les familles des victimes et les militants avaient appelé à des rassemblements pacifiques. Quelques activistes ont enjoint à «occuper le palais présidentiel». Dans la capitale, par crainte de violences de nombreuses écoles et commerces étaient fermés ce mercredi, et des routes bloquées. La matinée a débuté dans le calme, avant que des violences n’éclatent encore une fois. La police lançant des gaz lacrymogènes et déployant au moins trois canons à eau, certains manifestants jetant des pierres.

Cri de ralliement

A la mi-journée, l’autorité de la communication a interdit aux radios et aux chaînes de télévisions de diffuser en direct les images des manifestations, suscitant des réactions de colère dans la rue. La décision ne semblait cependant pas respectée dans l’immédiat, la plupart des grands médias continuant cette diffusion. Faith Odhiambo, avocate et présidente du barreau kényan, a dénoncé sur X «la nullité légale absolue» de cette annonce.

En fin d’après-midi, des groupes importants de manifestants tentaient toujours de rejoindre le centre-ville, bloqués par la police. Au moins 300 personnes ont été blessées à Nairobi, dont 67 sont dans un état critique, avec des soupçons de « blessures par balles » chez certaines, selon le responsable d’une équipe d’urgence rassemblant plusieurs organisations dont la Croix Rouge.

Dans la capitale, de nombreux manifestants ont scandé «Ruto doit partir» – le même cri de ralliement qu’il y a un an – et brandi des drapeaux et des portraits de victimes. Certains ont déposé des fleurs devant l’hémicycle. La colère contre les violences policières s’est accentuée après le décès, début juin dans un commissariat de police, d’Albert Ojwang, un enseignant de 31 ans arrêté après avoir critiqué un haut responsable de la police. Les forces de l’ordre ont initialement tenté de camoufler sa mort en suicide. Son décès a déjà suscité ces dernières semaines des manifestations de quelques centaines de personnes, qui ont engendré de nouvelles brutalités.

Tir à bout portant

Lors d’un précédent rassemblement, une semaine plus tôt, à Nairobi, des voyous armés travaillant en tandem avec la police s’en sont pris aux protestataires. Un policier a également tiré à bout portant sur un vendeur qui ne manifestait aucune violence. La scène, filmée, est devenue virale et a accentué la colère de la Gen Z.

Avant la manifestation de ce mercredi, William Ruto a promis aux policiers que son gouvernement les «soutiendrait». Impopulaire, le Président s’est efforcé d’éviter toute hausse directe d’impôts dans le budget de cette année afin de limiter les troubles. En plus des violences, de la corruption et des difficultés économiques, la jeunesse réclame les emplois que le président leur avait promis pendant sa campagne. «Un [seul] mandat», réclamaient mercredi certaines affiches, en référence à une possible nouvelle candidature de Ruto aux élections de 2027.

Article actualisé le 26 juin à 18h15 avec le nouveau bilan des manifestations.