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Sahel

Au Mali, l’armée et les paramilitaires de Wagner accusés d’exécutions sommaires

Neuf jours après l’arrestation de dizaines d’hommes dans le village de Sébabougou, des corps ont été retrouvés près d’un camp militaire lundi. Plusieurs rescapés ont raconté la tuerie.
Des soldats des Forces armées maliennes, en 2020. (ChiccoDodiFC/Getty Images)
publié le 24 avril 2025 à 18h50

La découverte macabre, lundi 21 avril, de dizaines de corps abandonnés au soleil, aux abords du camp militaire de Kwala, à 170 kilomètres au nord de Bamako, laisse présager une nouvelle exécution de masse commise au Mali. Sur une vidéo tournée sur place, au moins huit morts, non identifiables car dans un état de décomposition avancée, ont les mains attachées dans le dos. Plusieurs sources locales ont confirmé à Libération l’authenticité des images.

Neuf jours plus tôt, des soldats maliens et des mercenaires du groupe paramilitaire russe Wagner avaient conduit une rafle dans le village de Sébabougou, à une trentaine de kilomètres de Kwala. Environ 70 hommes adultes auraient été arrêtés au cours de l’opération. Une liste de 50 noms a été dressée par des proches des disparus : d’après leurs patronymes, ils appartiennent tous à la communauté peule – régulièrement ciblée, car accusée par l’armée malienne et ses supplétifs russes de complicité avec les groupes jihadistes qui contrôlent ces territoires ruraux.

«Les militaires blancs ont tiré en rafale»

L’un des prisonniers emmené dans le camp de Kwala a décrit les événements à l’Agence France-Presse (AFP). «Ils ont fouetté les gens», indique-t-il. L’homme affirme avoir été interrogé, comme les autres, sur ses liens présumés avec les insurgés islamistes. Par la suite, il a survécu par miracle à l’exécution : «Les militaires blancs ont tiré sur nous en rafale. Je suis tombé comme les autres. Très rapidement, les militaires sont partis. Moi je n’étais pas mort mais je suis resté couché pendant plusieurs heures. J’ai vu près de 70 corps.» Il a aujourd’hui fui le Mali.

Un second rescapé, réfugié en Mauritanie lui aussi, a témoigné auprès de l’AFP : «J’étais dans le groupe qui est resté [dans le camp] quand les autres sont sortis pour être tués.» Un troisième homme, d’une vingtaine d’années, affirme s’être rendu lundi à proximité du camp de Kwala pour chercher ses proches arrêtés : «Ce que nous avons vu est terrible. Des corps, des gens tués, des civils. […] Ils ont tué gratuitement des gens.»

Opérations de représailles

La junte du général Assimi Goïta, qui s’est emparée du pouvoir après deux coups d’Etat en 2020 et 2021, a rompu le vieux partenariat militaire du Mali avec la France et s’est tournée vers la Russie pour lutter contre l’insurrection jihadiste qui menace son territoire. En novembre 2023, avec l’appui de ses nouveaux alliés, l’armée a repris la ville symbolique de Kidal, dans le nord du pays, aux groupes rebelles indépendantistes. Mais les groupes islamistes, eux, ont continué à étendre leur emprise. Le régime militaire de Bamako et les combattants de Wagner multiplient les opérations de représailles et les exactions contre les civils en espérant couper les jihadistes de leurs «soutiens» ruraux. En vain : jusqu’à présent, leurs crimes ont surtout attisé la haine.