Les mines sont graves, à la hauteur de l’événement. Le juge ajuste sa robe rouge et ses lunettes durant la monocorde lecture des faits. L’adjudant Abdoul C. s’est introduit la nuit du 28 mars 2014 chez Hortense D. Le mari de cette dernière, un collègue de gendarmerie, était alors en stage de formation en Russie, et avait demandé à l’adjudant de protéger son épouse pendant son absence. Mais l’adjudant a refermé la porte de la chambre puis a violé Hortense D.
Ce mercredi 10 novembre, seul le ronronnement des climatiseurs se fait entendre dans la salle d’audience, remplie de magistrats, de soldats et de curieux. Tous suivent attentivement le déroulé de cette affaire criminelle traitée par le tribunal militaire de Bamako, la première de son histoire. Si un code de justice militaire existe depuis 1995 au Mali, son application dans les tribunaux est restée embryonnaire. Jusqu’à ce mercredi, aucune affaire criminelle impliquant des militaires n’avait été menée à terme. Aux crimes des soldats maliens, s’opposait parfois la justice des civils, avec peu de succès. «Nous faisions face à une énorme impunité des militaires», observe un juriste européen, proche du dossier.
Analyse
Précarité des moyens
Dernier exemple flagrant, celui du procès du général Amadou Sanogo et d’une quinzaine de militaires, accusés d’assassinats dans le cadre du putsch de 2012. Le 15 mars, la cour d’assises de Bamako abandonnait les poursuites, invoquant une loi controversée adoptée en 2019 au nom de la réconciliation. Un verdict consi