Il s’appelle Ghassan le jour, Houria la nuit. A chaque représentation, l’homme à la barbe hirsute troque son sweat à capuche pour un long caftan bariolé. Il enfile une perruque sur sa tignasse en bataille, peint ses lèvres en rouge et maquille de noir son regard perçant. Originaire de Fès, Ghassan El Hakim, 39 ans, est le fondateur et metteur en scène de Kabareh Cheikhats, une troupe de comédiens transformistes qui révolutionne la scène musicale du pays.
Depuis 2016, ces onze hommes déguisés en femmes défient les codes d’une société encore largement conservatrice en redonnant vie aux cheikhats, ces chanteuses populaires marocaines à la fois adulées et marginalisées en raison de leur indépendance. Conviées à toutes les grandes célébrations (mariages, naissances, fêtes nationales…) jusque dans les années 90, ces artistes féminines ont depuis perdu de leur superbe en raison des mutations socioculturelles dans le pays. Ce jeudi soir, dans un complexe culturel situé au cœur du quartier Bougonne de Casablanca, le groupe remet au goût du jour le répertoire de l’Aïta, un genre musical qui puise ses racines dans les tribus arabes bédouines.
Retour au passé
Devant une salle comble en délire, le groupe raconte, chante et danse le Maroc d’autrefois. Sous leurs robes chatoyantes et leurs longues chevelures, les hommes barbus se dandinent, invitent le public à reprendre leurs chansons (leur répertoire compte plus de 10 000 titres). Les spectateurs, surtout des femmes, les connaissent par cœur. Le show burl