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Au Maroc, le roi Mohammed VI gracie plusieurs journalistes, dont Omar Radi

Trois journalistes et un intellectuel emprisonnés ou poursuivis ont été graciés lundi 29 juillet par le monarque, à l’occasion de la fête du trône qui marque son intronisation il y a vingt-cinq ans.
Le journaliste marocain Omar Radi à sa sortie de prison à Rabat, le 29 juillet 2024. (Fadel Senna/AFP)
publié le 30 juillet 2024 à 14h22

Leur libération était réclamée par de nombreuses ONG. Lundi 29 juillet, les trois journalistes Omar Radi, Soulaimane Raissouni et Taoufik Bouachrine ont été graciés par le roi Mohammed VI, tout comme l’historien et défenseur des droits humains Maâti Monjib. Tous étaient emprisonnés ou poursuivis par la justice au Maroc depuis plusieurs années.

Sur X (ex-Twitter), les réactions ne se sont pas fait attendre. «Le journaliste marocain Omar Radi est libre, après quatre ans d’emprisonnement», s’est réjoui dans la soirée Khaled Drareni, représentant de RSF en Afrique du Nord, accompagnant son message d’une image du journaliste. A sa sortie de prison lundi soir, Omar Radi s’est dit «reconnaissant». «J’ai appris que d’autres détenus dans des cas similaires ont été relâchés, j’en suis plein de gratitude», a-t-il déclaré près du centre de détention de Tiflet, à une soixantaine de kilomètres de Rabat, estimant que cette décision permettait d’«apaiser l’espace public marocain».

Des années de détention

Tout comme Soulaimane Raissouni, Omar Radi avait été arrêté en 2020. Quelques mois plus tard, le journaliste et activiste avait été condamné à six ans de prison ferme en première instance, dans une double affaire d’«espionnage» et de «viol». Le journaliste Soulaimane Raissouni, lui, avait été condamné à cinq ans d’emprisonnement pour «agression sexuelle».

En juillet 2023, la Cour de cassation du Maroc, la plus haute instance judiciaire du royaume, avait rejeté leurs pourvois, confirmant leurs condamnations. Les soutiens des deux journalistes, célèbres pour leurs articles et éditoriaux cinglants à l’encontre du pouvoir, avaient à plusieurs reprises dénoncé un «procès politique».

Taoufik Bouachrine, fondateur et éditorialiste d’un quotidien arabophone, était lui incarcéré depuis 2018. Il avait écopé de quinze ans de prison pour «viol», «traite d’êtres humains» et «agressions sexuelles» à l’encontre de plusieurs femmes. Son pourvoi avait été rejeté en 2021. Tout comme Omar Radi et Soulaimane Raissouni, le journaliste de 55 ans a toujours nié en bloc les accusations, affirmant qu’il s’agissait d’une manière de le punir à cause de ses opinions. De leur côté, les autorités marocaines ont assuré que les trois hommes avaient été jugés pour des crimes de droit commun qui «n’ont rien à voir» avec leur profession ni le respect de la liberté d’expression.

Historien et défenseur des droits humains franco-marocain, Maâti Monjib, 62 ans, avait lui été condamné en première instance début 2021 à un an de prison ferme pour «fraude» et «atteinte à la sécurité de l’Etat», à l’issue d’un procès ouvert en 2015. Cet intellectuel est aussi sous le coup d’une instruction judiciaire depuis 2019 pour «blanchiment de capitaux», ce qui lui a valu trois mois de détention préventive avant qu’une mesure de liberté provisoire ne lui soit accordée en mars 2021, au terme de vingt jours de grève de la faim. Il est accusé de malversations dans la gestion d’un centre qu’il avait créé, notamment pour promouvoir le journalisme d’investigation. Des accusations que Maâti Monjib nie fermement.

Plus de 2 000 personnes graciées

Ces dernières années, l’organisation de défense des droits humains Amnesty International avait appelé à de nombreuses reprises à la libération des quatre hommes, tandis que l’ONG Human Rights Watch (HRW) accusait les autorités marocaines d’utiliser «des accusations pénales de droit commun contre les opposants et les professionnels des médias critiques». L’année dernière encore, Reporters sans frontières avait appelé à leur grâce.

Après l’annonce de leur libération, Khaled Drareni a salué «une nouvelle des plus réjouissantes». «La grâce royale est une mesure de sagesse, elle met fin à une situation injuste pour les journalistes et préjudiciable pour le Maroc. Formulons le vœu que cela soit l’amorce d’une nouvelle ère fondée sur le respect de la liberté d’informer et du pluralisme», a ajouté le représentant de RSF dans un communiqué.

Selon un responsable marocain, 2 476 personnes au total ont été graciées lundi, à l’occasion de la fête du trône célébrée le lendemain et qui marque l’intronisation de Mohammed VI il y a vingt-cinq ans. Parmi eux : de nombreux journalistes ou militants, comme Imad Stitou, Hicham Mansouri et Saida El Alami, ont rapporté des médias locaux. La grâce royale concerne également seize «détenus condamnés dans des affaires d’extrémisme et de terrorisme» ayant «révisé leurs orientations idéologiques», a précisé le ministère de la Justice, sans donner leurs noms.