A la sortie nord de Gwadabawa, coule la rivière Kainuma Kwalbati. Les hautes touffes de roseaux qui bordent ses rives cachent l’eau, mais on devine son tracé à la ceinture verte des champs qui la longent. Garba Rua, 73 ans, travaille cette terre fertile depuis un demi-siècle. Il a lui-même creusé, à la main, un puits en contrebas. Autour, il fait pousser du riz, des pois, du millet, des patates douces, du sorgho, du maïs. Assis sur une pierre, le petit cultivateur ridé désigne la rive opposée à la ville. «C’est la limite. Là-bas, de l’autre côté, les violences commencent.»
Sous l’ombre du même nimier, Sani Ntudu, 30 ans, regarde ses bêtes boire. Une quinzaine de vaches aux longues cornes, et quelques chèvres. Il a tiré l’eau d’un puits cédé par un fermier. Il porte une chemise bleu nuit, des fines chaussures en plastique moulées, un grand chapeau et une machette en bandoulière. Le berger a une serpe à la main. Au coin droit de sa bouche, des marques traditionnelles, très fines, en forme de petites feuilles. Au-dessus de son œil gauche, une large cicatrice. «Je possédais le double de vaches avant, précise-t-il. Les bandits m’en ont volé la moitié.»
Garba Rua est haoussa. Sani Ntudu est peul. Ces deux hommes de Gwadabawa n’ont aucune animosité l’un envers l’autre. Mais en brousse, leurs communautés respectives, qui vivent entremêlées depuis des siècles, s’entre-déchirent. La faute aux «bandits», s’accordent-ils à dire. Ces bandits qui ont enlevé le fi