Un plébiscite plutôt qu’une élection. Lundi 15 juillet, le Rwanda votera non pas pour choisir son président, mais pour le célébrer. Paul Kagame, 66 ans, remportera le scrutin avec plus de 90 % des voix et plus de 90 % de participation. Certainement même davantage. En 2017, il avait recueilli 98,63 % des suffrages, pour un taux de participation de 98,15 %. Nul n’imagine trébucher l’homme qui dirige le pays d’une main de fer depuis trente ans.
D’autant que Kagame sera opposé aux deux mêmes adversaires qu’il y a sept ans : Frank Habineza, chef de la seule formation d’opposition autorisée (le Parti démocratique vert), et l’indépendant Philippe Mpayimana. Il y a sept ans, ils avaient obtenu respectivement 0,48 % et 0,73 % des voix. Leurs meetings n’ont rassemblé que quelques dizaines de personnes, contre des dizaines de milliers pour chaque étape de la campagne de Paul Kagame. Cette année encore, les autres opposants n’ont pas été autorisés à se présenter par la commission électorale.
Solide croissance
Depuis qu’il a mis fin en juillet 1994, alors qu’il était à la tête de la rébellion du Front patriotique rwandais (FPR), au génocide des Tutsis en renversant le gouvernement extrémiste hutu, l’homme fort du Rwanda a été l’artisan du spectaculaire redressement économique du pays. De nombreux dirigeants africains et occidentaux considèrent son action comme un modèle de développement pour le continent. La solide croissance du pays (7,2 % de moyenne entre 2012 et 2022) s’est accompagnée de la construction rapide d’infrastructures (routes, hôpitaux…) permettant des progrès socio-économiques incontestables.
Mais son régime est aussi critiqué pour son autoritarisme. Au Rwanda, les voix dissidentes sont sévèrement réprimées. Amnesty International a dénoncé dans un récent communiqué les «sévères restrictions» des droits de l’opposition, ainsi que les «menaces, détentions arbitraires, accusations fabriquées de toutes pièces, meurtres et disparitions forcées». Ces dernières années, Paul Kagame a aussi été blâmé pour le rôle déstabilisateur de son armée en République démocratique du Congo voisine – où les troupes rwandaises combattent aux côtés des rebelles du M23, selon plusieurs rapports de l’ONU malgré les dénégations du pouvoir.
Quatrième contributeur mondial de Casques bleus
Dans le même temps, paradoxalement, le président rwandais a fait de son pays un gendarme de l’Afrique en envoyant son armée, pilier du régime, participer à des opérations de maintien de la paix. Avec 5 894 Casques bleus déployés en 2024, le Rwanda est devenu le quatrième contributeur aux missions de l’ONU, notamment au Soudan du Sud et en République centrafricaine. Un engagement qui constitue aussi une manne financière. L’ONU verse 1 428 dollars par soldat par mois aux pays contributeurs de troupes : Kigali reçoit donc plus de 100 millions de dollars par an.
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Ces dernières années, les forces rwandaises, réputées pour leur efficacité, ont aussi été déployées dans le cadre d’accords bilatéraux, en Centrafrique et au Mozambique notamment. Ces interventions s’accompagnent d’accords économiques permettant d’entretenir la croissance du Rwanda, dépourvu de ressources naturelles ou de base industrielle et dépendant de financements internationaux.
Destination écotouristique de luxe
A sa diplomatie militaire, Kigali ajoute un puissant travail d’image et d’influence. Le Rwanda a accru sa présence au sein d’organisations internationales. En 2009, il est devenu membre du Commonwealth. Il a également placé deux anciennes ministres à la tête de l’Organisation internationale de la francophonie et à la vice-présidence de la Commission de l’Union africaine. Appuyé par des sociétés de communication, Kigali s’affiche en fleuron africain des nouvelles technologies, en destination écotouristique de luxe vantée avec son slogan «Visit Rwanda» visible sur les maillots d’Arsenal, du PSG et du Bayern Munich. Le Centre de conférence de Kigali attire de nombreuses réunions internationales. La capitale accueille également chaque année la Ligue africaine de basket, tournoi parrainé par la Fédération internationale de basketball et la NBA, et recevra l’an prochain les Mondiaux de cyclisme.
Après avoir atteint la limite de deux septennats, le président rwandais avait pu se présenter en 2017 à la faveur d’une révision constitutionnelle instaurant le quinquennat – en maintenant un maximum de deux mandats. Cette modification avait remis à zéro le compteur des mandats de Paul Kagame et l’autorisait également à briguer un septennat transitoire entre 2017 et 2024. Elle lui permet donc de rester potentiellement au pouvoir jusqu’en 2034. Dans ce pays enclavé de la région des Grands Lacs, 65 % de la population a moins de 30 ans et n’a connu que Kagame comme dirigeant.