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Libération
Reportage

Au Sénégal, qui a peur du grand méchant Ousmane Sonko ?

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Le leader contestataire a été empêché de se présenter à l’élection présidentielle, mais la candidature de son bras droit a été validée. Leur popularité grandissante inquiète les élites du pays, à commencer par le chef de l’Etat.
Ousmane Sonko, à Dakar, le 8 mars 2021. (Sylvain Cherkaoui/AP)
publié le 16 février 2024 à 8h54

Le vent râpeux éreinte les murs décrépis de la prison du Cap Manuel, à l’extrémité oubliée de la presqu’île du Cap-Vert recouverte par la ville de Dakar. Les bus ne roulent pas jusque-là : leur terminus, 300 mètres plus tôt, se situe en face du grand palais de justice abandonné. Les lambeaux des stores jaunis s’agitent comme des drapeaux aux fenêtres brisées du vaisseau fantôme. Rares sont les véhicules à emprunter la vieille route circulaire qui épouse les contours escarpés du Cap Manuel. Quelques riches Dakarois s’y aventurent, à pied. Pour une promenade ou plus souvent pour un footing – c’est l’un des seuls endroits de la capitale à échapper à la pollution. Comme un rite vaudou, les Sénégalais nantis courent donc en rond autour de cette petite prison qui enferme leur pire cauchemar : le détenu Ousmane Sonko.

Cet ancien inspecteur des impôts de 49 ans a bouleversé la scène politique sénégalaise. Elu député en 2017, il est arrivé en troisième position à l’élection présidentielle deux ans plus tard, avec 16 % des voix, dénonçant sans relâche la corruption des dirigeants de son pays, l’influence – forcément écrasante — de la France au Sénégal, et les compromissions des autres chefs de partis politiques. Sonko, lui, se veut intransigeant en tout. Il a fait de sa radicalité une