Ni la coupure d’Internet ni le déploiement de militaires armés de mitrailleuses n’ont dissuadé les manifestants soudanais de protester une nouvelle fois dimanche contre le coup d’Etat et la confiscation de la révolution par les généraux. «Les militaires à la caserne», «le pouvoir au peuple», ont scandé des milliers de personnes à Khartoum, la capitale soudanaise, appelant à faire de 2022 «l’année de la poursuite de la résistance». Dès dimanche matin, les autorités avaient coupé l’accès à Internet et les communications depuis les téléphones portables, comme il y a quelques jours, lorsqu’elles avaient aussi bloqué les appels vers et depuis l’étranger.
Au moins deux manifestants ont été tués par les forces de sécurité, selon un premier bilan diffusé dimanche en fin d’après-midi. Le Premier ministre, Abdallah Hamdok, seule composante civile du régime, a annoncé dimanche soir sa démission dans une allocution télévisée.
⚠️ Confirmed: Mobile Internet disrupted in #Sudan from ~10 am local time ahead of anti-coup protests in #Khartoum; network data show service cut as demonstrators gather for first pro-democracy march of 2022; incident ongoing 📉 #Jan2March
— NetBlocks (@netblocks) January 2, 2022
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Un nouveau stade dans la répression avait été franchi jeudi, lors d’une précédente journée de mobilisation. Six personnes avaient été tuées par balle à Omdurman, ville jumelle de Khartoum de l’autre côté du Nil.
Le pouvoir ne parvient pas à endiguer un mouvement qui connaît un nouveau souffle depuis le 19 décembre, quand les manifestants avaient atteint pour la première fois les portes du palais présidentiel. L’accord conclu le 21 novembre entre le chef des généraux putschistes, Abdel Fattah al-Burhane, et le Premier ministre civil, Abdallah Hamdok, revenu au pouvoir, avait été salué par la communauté internationale mais accueilli avec scepticisme par les révolutionnaires qui avaient rappelé sèchement leurs revendications : «Pas de négociation, pas de partenariat, pas de légitimité.» Ils maintiennent depuis la pression dans les rues, malgré la violence croissante des forces de sécurité, qui ont tué 54 personnes depuis le putsch du 25 octobre.
En décembre, le bureau des droits de l’homme de l’ONU avait indiqué avoir reçu treize témoignages de viols et viols collectifs, nouvelle arme utilisée pour briser la contestation. Les comités de résistance, ces petits groupes qui structurent le mouvement d’opposition, sont également visés par des arrestations, voire des disparitions suspectes. Des agents ont fait des descentes dans les rédactions de plusieurs médias internationaux, des journalistes ont été attaqués et empêchés de couvrir les événements en cours.
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La police et les redoutables paramilitaires des Forces de soutien rapides (FSR) ciblent désormais les hôpitaux et centres médicaux. Jeudi, une clinique d’Omdurman a été prise d’assaut par les hommes du régime. En face, les manifestants adaptent leurs tactiques et modes opératoires. Ils créent des regroupements autour des lieux de soin pour que les blessés puissent être pris en charge. Des motos sillonnent les rassemblements pour évacuer rapidement ceux qui seraient touchés. Dimanche, les protestataires ont fait face à des tirs de lacrymogènes et à des charges policières.
Le pouvoir avait auparavant installé des conteneurs, à l’aide de grues, sur les grands axes menant à Khartoum pour isoler la capitale de ses banlieues. Des dispositifs débordés par la colère d’un peuple qui ne se résigne pas à perdre sa révolution, après une première victoire en octobre 2019.
Mise à jour le 2 janvier à 21h50 : annonce de la démission du Premier ministre