Au moment où les négociations reprennent, à Djedda, en Arabie Saoudite, entre ses deux belligérants, la guerre au Soudan redouble d’intensité. Les Forces de soutien rapide (RSF) se sont emparées jeudi 26 octobre du quartier général de la 16e division de l’armée soudanaise à Nyala, la capitale du Sud-Darfour et deuxième ville du pays. Les affrontements duraient depuis des mois, les tirs d’artillerie entre les deux camps faisant des centaines de victimes parmi les civils. Au terme d’une offensive de quatre jours, les paramilitaires des RSF et les miliciens arabes qui se battent à leurs côtés ont submergé les défenses de la 16e division. Les hommes de Mohamed Hamdan Daglo, dit Hemetti, leur commandant en chef, sont désormais entièrement maîtres de Nyala, poumon économique du Darfour et localité stratégique sur le plan militaire, à la croisée des grands axes menant aux frontières du Tchad, de la Centrafrique et du Soudan du Sud.
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Le frère et bras droit de Hemetti, Abderrahim Daglo, a été récemment filmé à Nyala encourageant ses troupes. Leur victoire a été saluée par des tirs d’armes automatiques, jeudi, à la mi-journée, dans la plupart des villes du Darfour. Les RSF contrôlent l’essentiel de cette région grande comme la France où vivent un quart des 48 millions de Soudanais. C’est là que les milices arabes, ancêtre des Forces de soutien rapide, furent créées, il y a vingt ans, par le régime d’Omar el-Béchir qui les a utilisées pour écraser la rébellion. Depuis, elles n’ont cessé de gagner en importance, en puissance et en pouvoir, tout en refusant d’être absorbées par l’armée régulière. Jusqu’à ce que la guerre éclate entre les deux forces, le 15 avril 2023.
Après six mois de conflit, les RSF ont conquis presque toutes les grandes villes du Darfour à l’exception d’El-Fasher, la grande ville du Nord. Dans plusieurs d’entre elles, comme El-Geneina, près de la frontière tchadienne, elles ont commis des massacres ethniques de grande ampleur. L’est, jusqu’à la mer Rouge, reste épargné par les combats jusqu’à présent, et contrôlé par les Forces armées soudanaises. Les administrations ont été transférées à Port-Soudan. Dans la capitale, Khartoum, les paramilitaires n’ont cessé de grignoter du terrain, mais sans parvenir à chasser l’armée régulière, retranchée dans quelques bases militaires âprement défendues. Celle-ci reste maîtresse des airs : son aviation bombarde régulièrement – et très approximativement – les positions des RSF, tuant souvent des civils dans les frappes. Ces dernières semaines, des colonnes de combattants de Mohamed Hamdan Daglo ont mené des incursions en direction du sud, le long du Nil Blanc et du Nil Bleu, à une cinquantaine de kilomètres de la capitale.
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Les négociations qui se sont ouvertes dimanche à Djedda, sous le patronage de l’Arabie Saoudite, des Etats-Unis et de l’Union africaine, ne suscitent qu’un très maigre espoir au Soudan. Elles ne visent qu’«à faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire, à établir des cessez-le-feu et d’autres mesures de confiance, et à progresser vers une cessation permanente des hostilités», a indiqué le ministère saoudien des Affaires étrangères. «Les pourparlers n’aborderont pas de questions politiques plus larges», a-t-il prévenu, comme pour minimiser les attentes. «La reprise des négociations ne signifie pas l’arrêt de la bataille pour la dignité nationale», a d’ailleurs averti le porte-parole de l’armée soudanaise. Personne, en vérité, ne semble croire à la perspective d’un cessez-le-feu généralisé négocié à Djeddah. Peut-être les belligérants s’accorderont-ils, dans le meilleur des cas, sur une «trêve humanitaire». Encore faudrait-il, ensuite, la respecter. Toutes les précédentes trêves ont été bafouées quelques heures après leur signature.