Faure Gnassingbé n’est plus président de la République, mais il reste le dirigeant incontestable du Togo. Ce tour de passe-passe constitutionnel lui permet de rester à la tête du pays qu‘il gouverne depuis vingt ans, en s’épargnant le passage par un scrutin présidentiel qui l’aurait vu briguer un cinquième mandat – une échéance électorale avec un fort potentiel de contestation.
A 58 ans, le discret et austère Faure Gnassingbé a prêté serment samedi 3 mai pour devenir président du Conseil des ministres, la plus haute fonction du pouvoir exécutif togolais selon la nouvelle Constitution, adoptée en avril 2024. Celle-ci a aboli l’élection du chef de l’Etat au suffrage universel et institué un régime parlementaire. Le pouvoir réside désormais entre les mains du président du Conseil des ministres, sorte de super Premier ministre qui concentre les fonctions régaliennes et dont le tenant est automatiquement le leader du parti majoritaire à l’Assemblée nationale.
Ne se sent pas «l’âme d’un dictateur»
Or la formation de Faure Gnassingbé, l’Union pour la République, a obtenu 108 députés sur 113 lors des législatives du 29 avril 2024 – pour lesquelles les envoyés spéciaux des médias étrangers n’avaient pas obtenu d’accréditation. Elle avait également raflé 34 des 41 sièges de sénateurs lors d’un scrutin boycotté par les principaux partis d’opposition.
Ce triomphe électoral assure à Faure Gnassingbé de rester le maître du Togo pour au moins les six prochaines années. A ses détracteurs qui l’accusent d’autoritarisme, il répondait calmement à l’Agence France-Presse en 2020 ne pas se «sentir l’âme d’un dictateur». Son père, Gnassingbé Eyadéma, était resté président pendant près de trente-huit ans, jusqu‘à son décès, en 2005.
Manifestation autorisée
Plusieurs centaines d’opposants se sont rassemblés dimanche dans la capitale, Lomé, pour dénoncer une «dérive monarchique». Les deux grands partis d’opposition et la société civile ont critiqué dans un communiqué commun «ce basculement autoritaire» et ont condamné «la dérive monarchique, l’instrumentalisation des institutions et l’élimination systématique de toute alternative démocratique».
Le meeting, à l’appel de l’Alliance nationale pour le changement (ANC), des Forces démocratiques pour la République (FDR) et de la société civile, s’est déroulé sans incident. Il avait été autorisé par les autorités. «Nous ne laisserons jamais cette forfaiture prospérer. Il s’agit de mobiliser le peuple contre l’imposture, la forfaiture», a lancé Jean-Pierre Fabre, président de l’ANC. «Nous savons que la majorité des Togolais n’accepte pas ce qui se passe aujourd’hui dans notre pays», a renchéri Me Dodji Apévon, président des FDR. «Nous sommes devenus la risée du monde entier. Dans l’histoire du monde, un peuple n’est jamais couché définitivement. Il arrivera un moment où le peuple togolais dira non à Faure Gnassingbé», a-t-il promis.