«La situation est extrêmement grave. Des victimes sont à dénombrer du côté de la jeunesse résistante.» Dans un communiqué commun, les cinq candidats qui ont perdu à la primaire de l’élection présidentielle des Comores, dimanche 14 janvier, appellent la population à faire de vendredi «une journée nationale de protestation et de dénonciation de la mascarade électorale de Azali et son pouvoir». Ils encouragent les habitants à manifester après la prière de la mi-journée.
Couvre-feu
Depuis la réélection d’Azali Assoumani dimanche, les îles de l’océan Indien sont en proie à un mouvement de contestation de plus en plus violent. L’opposition réclame l’annulation du scrutin et dénonce des «fraudes grossières» et des «bourrages d’urnes».
Epicentre de la contestation depuis deux jours, Moroni, la capitale, voit des tensions sporadiques monter entre des groupes de jeunes manifestants masqués qui ont lancé des pierres contre les forces de l’ordre. Certains ont dressé des barrages de fortune sur les routes et beaucoup ont été arrêtés mais aucun détail n’a été rendu public. La police, la gendarmerie et l’armée ont été déployées. Selon le chef des urgences de l’hôpital Maarouf de Moroni, une personne de 21 ans a été tuée «très probablement par balles». Cinq autres ont été blessées, dont l’une souffrant d’«un traumatisme thoracique grave avec pronostic vital engagé», a-t-il poursuivi auprès de l’AFP.
Présidentielle aux Comores : un mort et cinq blessés dans des heurts qui ont suivi l'annonce de la victoire du président sortant Azali Assoumani. L'élection est contestée par l'opposition #AFP 1/2 pic.twitter.com/PB55yuBhTb
— Agence France-Presse (@afpfr) January 18, 2024
Interrogé par l’AFP, un manifestant qui n’a pas souhaité donner son nom affirme qu’ils combattent «parce que nous ne sommes pas d’accord avec les résultats des élections». Mercredi, des violences s’étaient déjà multipliées, notamment contre la maison d’un ministre et des bâtiments de l’Etat. Un couvre-feu nocturne a été décrété le soir même sur les trois îles de l’archipel, ce jusqu’à nouvel ordre. Une mesure qui est l’expression «d’une vraie dictature féroce et sauvage», selon Saïd Mohamed Saïd Tourqui, membre d’un parti d’opposition. La connexion internet est également largement perturbée et l’accès aux réseaux sociaux a été réduit.
Des opposants emprisonnés et en exil
Azali Assoumani, au pouvoir depuis 1999 dans l’archipel, a été réélu dimanche au premier tour avec 62,97 % des voix mais seulement 16,30 % de participation, selon les chiffres officiels annoncés mardi soir. Cette victoire doit permettre à l’ancien colonel de rempiler pour un troisième mandat consécutif et de rester au pouvoir jusqu’en 2029. Agé de 65 ans, l’homme a jeté en prison et poussé à l’exil nombre de ses opposants dans sa course au pouvoir. En 2018, il a notamment fait passer une réforme constitutionnelle lui permettant de centraliser les pouvoirs.
L’ONU a appelé mercredi «au calme» et exhorte les autorités comoriennes à protéger le droit de manifester et les «principes démocratiques». L’Union européenne a appelé «toutes les parties à poursuivre le processus de manière pacifique». La France, dont la frontière avec l’île de Mayotte ne se trouve qu’à quelques dizaines de kilomètres, n’a pas encore donné de réaction officielle.
Dans l’archipel, 340 000 habitants étaient appelés aux urnes dimanche dernier, presque autant que la population de la diaspora, dont 150 000 se trouveraient en France selon l’Insee, majoritairement à Mayotte. Des citoyens plutôt favorables à l’opposition mais qui n’ont pas pu voter, la justice comorienne ayant rejeté l’année dernière un recours réclamant l’élargissement du droit de vote de la diaspora.