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Barkhane: la France annonce le retrait complet de ses troupes du Mali

La France en guerre au Malidossier
Présente dans le pays depuis 2013, l’armée française va quitter le pays africain après la prise de pouvoir de la junte, annonce l’Elysée ce jeudi matin. Le calendrier de retrait reste à préciser.
Des militaires de l'opération Barkhane, au Mali, en octobre. (albert facelly/Libération)
publié le 17 février 2022 à 8h56
(mis à jour le 17 février 2022 à 10h19)

C’était attendu, c’est désormais officiel. La France, ses alliés européens dans Takuba et le Canada ont annoncé ce jeudi matin un «retrait coordonné» du Mali où l’armée française était arrivée en 2013 pour soutenir le pays face à la menace terroriste. «Une décision courageuse du président François Hollande», dixit Emmanuel Macron. «En raison des multiples obstructions des autorités de transition maliennes, le Canada et les Etats européens opérant aux côtés de l’opération Barkhane et au sein de la Task Force Takuba estiment que les conditions politiques, opérationnelles et juridiques ne sont plus réunies pour poursuivre efficacement leur engagement militaire actuel dans la lutte contre le terrorisme au Mali et ont donc décidé d’entamer le retrait coordonné du territoire malien de leurs moyens militaires respectifs dédiés à ces opérations», écrit l’Elysée dans un communiqué matinal.

Au cœur de cette décision, pour laquelle la France a largement consulté ses alliés, l’instabilité dans le pays causé par le choix de la junte de Bamako arrivée au pouvoir après deux coups d’états de na pas organiser d’élections démocratiques. «Nous constatons et regrettons que les autorités maliennes de transition n’aient pas tenu leurs engagements envers la CEDEAO, soutenue par l’Union africaine, d’organiser des élections présidentielles et législatives avant le 27 février 2022. Nous exhortons les autorités maliennes à achever la période de transition et à organiser des élections libres, équitables et crédibles», précise le communiqué.

Quelques instants plus tard, à l’occasion d’une conférence de presse, Emmanuel Macron a précisé : «Nous ne pouvons pas rester engagés militairement aux côtés d’autorités de fait dont nous ne partageons ni la stratégie ni les objectifs cachés. C’est la situation à laquelle nous sommes confrontés aujourd’hui au Mali. La lutte contre le terrorisme ne peut pas tout justifier, elle ne doit pas, sous prétexte d’être une priorité absolue, se transformer en exercice de conservation indéfinie du pouvoir.» En revanche, le chef de l’Etat «récuse complètement» toute idée de retrait sur un échec. «Que ce serait-il passé en 2013 si la France n’avait pas fait le choix d’intervenir ?» s’interroge-t-il face aux journalistes. Avant de répondre à sa propre interrogation dans la foulée : «Vous auriez eu à coup sûr un effondrement de l’Etat malien.»

En revanche, l’Etat français, le Canada et leurs alliés européens entendent rester engagés dans la région «afin de contenir la potentielle extension géographique des actions des groupes armés terroristes». Ainsi, «les partenaires internationaux indiquent leur volonté d’envisager activement d’étendre leur soutien aux pays voisins du Golfe de Guinée et d’Afrique de l’Ouest, sur la base de leurs demandes», assurent l’Elysée et ses alliés. «Nous réaffirmons tous notre forte volonté de poursuivre notre partenariat avec et notre engagement pour le peuple malien dans la durée, pour faire face à tous les défis posés par l’activité des groupes armés terroristes au Sahel», poursuivent-ils. Dans une déclaration depuis l’Elysée, Emmanuel Macron dit vouloir «impliquer et appuyer davantage les pays voisins» du Mali, de plus en plus menacés par Al-Qaeda et Daech, qui en font «une priorité de leur stratégie d’expansion».

Concrètement, des militaires européens participant au groupement de forces spéciales Takuba «seront repositionnés aux côtés des forces armées nigériennes dans la région frontalière du Mali», a annoncé ce jeudi le chef de l’Etat. «Ce retrait se traduira par la fermeture des emprises de Gossi, de Ménaka et de Gao, il sera effectué de manière ordonnée, avec les forces armées maliennes et avec la Mission des Nations unies au Mali». Et, «durant cette période, nous maintiendrons nos missions de soutien au profit de la Minusma», a précisé Emmanuel Macron.

L’annonce n’a donc rien d’une surprise. Dès lundi soir, le ministre estonien de la Défense, Kalle Laanet, confirmait que les alliés ont convenu de retirer leurs troupes du Mali, estimant que l’annonce aurait lieu mercredi, à la veille d’un sommet de deux jours Union européenne-Union africaine à Bruxelles. Le lendemain, le porte-parole du gouvernement français, Gabriel Attal, confirmait que des annonces devaient être «faites rapidement» après une rencontre entre Emmanuel Macron et des chefs d’Etat africains, mercredi en fin de journée, à l’Elysée.

«Les conditions ne sont plus réunies»

Invité lundi soir sur France 5, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, expliquait déjà que «les conditions ne sont plus réunies» pour poursuivre la lutte contre le terrorisme au Mali, où la France est présente militairement depuis 2013. En cause : le maintien de la junte au pouvoir et l’arrivée d’«un millier» de mercenaires russes de la société Wagner au Mali, selon le locataire du Quai d’Orsay.

Même son de cloche pour les partenaires européens de Takuba, le groupement de forces spéciales qui devait succéder à Barkhane. La mission ne peut se poursuivre «en raison de la violation flagrante des règles par la junte malienne», selon Kalle Laanet. «Des élections démocratiques ne sont pas prévues, ce qui était l’un des aspects les plus importants de l’accord. […] Il n’est pas possible de continuer dans de telles conditions et tous les autres alliés étaient d’accord.» Un contingent danois a déjà quitté le Mali sur ordre de la junte, avant que la Norvège renonce à son tour à envoyer quelques soldats faute d’accord avec Bamako.

Mise à jour : à 9 h 17, ajout de précisions sur la décision française.