Son corps porte les stigmates universels, immédiatement repérables, de la faim. Celle qui aspire les muscles, qui fait saillir des os invisibles sous son tee-shirt Abibas, qui creuse les joues et les orbites oculaires. La nuit du 14 octobre, Souleymane (1) a fui Djibo, ville du nord du Burkina Faso assiégée depuis huit mois par les insurgés d’Ansarul Islam. Deux semaines plus tard, Libération l’a rencontré à Ouagadougou. Il a tenu à commencer son récit par la fin, pressé de raconter le dénouement, le soulagement d’échapper à la double menace de la guerre et de la famine.
Souleymane a quitté Djibo à 2 heures du matin, «sans prévenir les voisins ni personne du quartier», n’emportant avec lui qu’un sac à dos et quelques vêtements. La veille, sa femme et ses deux enfants l’ont devancé. Cette nuit-là, il marche à son tour en direction du nord, sans lumière. Un garçon a été envoyé à sa rencontre pour le guider – puisque là-bas, «un homme de plus de 15 ans ne s’aventure plus en brousse», explique-t-il. Souleymane se sait épié. Les jihadistes cernent la ville. Ils laissent les habitants en sortir, à condition de ne pas y retourner. Personne n’est autorisé à entrer à Djibo. Son frère l’attend dans un village, à une dizaine de kilomètres.
Réseaux d’eau sabotés
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