L’aéroport de Yaoundé, au Cameroun, a résonné au rythme des chants et des tam-tam lundi 21 octobre. «Aujourd’hui, le président est en chemin» a annoncé la présentatrice de la télévision d’Etat CRTV. La chaîne a par la suite diffusé des images scrutées partout dans le pays : celles du retour du président Paul Biya. Une foule en liesse, vêtue de tenues colorées, s’est déplacée pour l’accueillir, lui et son épouse Chantal à proximité.
Absent du pays depuis plusieurs semaines, le régent âgé de 91 ans n’était plus apparu en public depuis début septembre à Pékin, lors du sommet Chine-Afrique. Paul Biya n’a pas participé non plus à la dernière Assemblée générale de l’ONU à New York, ni au dernier sommet de la Francophonie, à Paris. Ces derniers jours, il s’est fait représenter par le Premier ministre Joseph Dion Ngute aux différents rendez-vous prévus à son agenda, selon la CRTV.
Une disparition remarquée qui avait inquiété ses compatriotes. De nombreuses spéculations et rumeurs ont circulé sur son état de santé. A tel point, que le gouvernement camerounais a dû assurer le 8 octobre dans un communiqué que Paul Biya se portait bien et qu’il rentrerait au Cameroun «dans les prochains jours».
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Le ministre de l’Administration territoriale avait ensuite formellement interdit aux médias d’évoquer son état de santé en menaçant les contrevenants de poursuites. Depuis, des rumeurs annonçant son retour imminent par deux fois la semaine dernière, contredites par d’autres rumeurs annonçant son décès ont circulé sur les réseaux sociaux. «Son retour met fin au tribunal des réseaux sociaux», a affirmé lundi un des présentateurs de la chaîne publique.
Un séjour en Suisse ?
Alors lundi 21 octobre, les pas sur le tarmac du président camerounais ont fait grand bruit. «Même le combat de (Francis) Ngannou (très célèbre combattant de MMA camerounais, ndlr), les gens ne regardaient pas comme ça», a commenté un spectateur depuis un bar de Yaoundé. Autour de lui, une trentaine de personnes ont observé en direct le retour de Paul Biya. Les rues de la capitale, elles, ont été ornées d’affiches pour souhaiter la bienvenue au chef de l’Etat.
Selon différents sites de traçage, le président camerounais serait arrivé de Genève dans un Boeing immatriculé CMR001. Plusieurs sources officielles camerounaises se sont accordées pour dire qu’il aurait résidé en Suisse ces dernières semaines. Un pays que Paul Biya connaît bien, puisqu’il y a multiplié les villégiatures dans un très luxueux hôtel de Genève, où l’opposition l’a accusé de dépenser des fortunes avec sa cour.
En 2018, un consortium international de journalistes d’investigation, l’Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP), évalue à quatre années et demie en 35 ans la durée cumulée des séjours privés à l’étranger du «Président itinérant» et leur coût total à 65 millions de dollars.
Le mode de vie du régent est critiqué par l’opposition. Depuis 2018, cette dernière peine à se faire entendre et est violemment réprimée. Celui que l’on surnomme «le sphynx» a fait arrêter - et condamner - des centaines de manifestants pacifiques, dont son rival malheureux à la présidentielle, Maurice Kamto, emprisonné neuf mois sans procès en 2019 et libéré après d’intenses pressions internationales. Au pouvoir depuis 41 ans, Paul Biya n’exclut pas de se présenter aux élections d’octobre 2025.