Pape Ndiaye n’a jamais décroché son vélo, resté garé devant la mairie de Cassel, dans le land de Hesse. Il vivait dans la ville allemande depuis plus de vingt ans. Il en a été expulsé du jour au lendemain, sans pouvoir récupérer la moindre affaire. Aujourd’hui, par honte, il continue à utiliser son numéro WhatsApp allemand pour faire croire à sa famille qu’il se trouve toujours en Europe. Mais l’homme de 59 ans est bien de retour au Sénégal, et plus précisément à Mbour, une ville côtière située au sud de Dakar. Dans une lumière déclinante, il décharge d’un camion blanc des enceintes, des flyers géants, un écran et un petit générateur électrique, sur le parvis de la mairie, délimité par deux statues de lion patinées par le temps. Le soir, seront projetés des documentaires et des petits films parlant des drames vécus par les Sénégalais qui prennent la mer pour quitter leur pays.
Pape Ndiaye fait partie du convoi affrété par l’association Boza Fii – une quinzaine de personnes, un minibus et un camion contenant du matériel audiovisuel – pour rentrer en contact, dix jours durant, avec des familles endeuillées ou sans nouvelles de leurs proches partis vers l’Europe. La première étape de la caravane n’a pas été choisie par hasard. Mbour est l’épicentre des départs, au Sénégal. Au large, les poissons se font rares, conséquence notamment du pillage des côtes par des navires industriels venus d’Europe et d’Asie. Alors de nombreux pêcheurs prennent des