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Libération
Reportage

Darfour : «La guerre n’a pas commencé il y a cinq mois, pour nous, elle dure depuis vingt ans»

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Guerre civile au Soudandossier
A la frontière tchadienne, les réfugiés racontent les massacres sur des bases ethniques perpétrés dans la région occidentale du Soudan, dans le sillage des affrontements qui ont éclaté à Khartoum en avril.
Réfugiée originaire d’El-Geneina, Aziza Barrata Haroun, 46 ans, a vu son gendre abattu sous ses yeux. (Abdoulaye Barry/Libération)
publié le 21 septembre 2023 à 18h19

C’est un pont qui ne mène nulle part, suspendu au-dessus du sable. Il matérialise la frontière entre le Soudan et le Tchad, mais n’a jamais été relié à une route asphaltée, qui n’existe ni d’un côté ni de l’autre. Aussi, personne ne l’emprunte jamais. Les voyageurs traversent en contrebas le lit du ouadi. Ils s’abritent parfois du soleil, quelques minutes, sous la structure en béton. A la mi-journée, l’astre est si impitoyablement vertical que l’ombre du mât et du drapeau bleu-jaune-rouge à son sommet, côté tchadien, a quasiment disparu.

Un charretier fait tournoyer son fouet au-dessus de sa tête pour presser l’allure de son cheval. C’est un Soudanais, originaire de la ville d’El-Geneina, la capitale du Darfour-Occidental, 30 kilomètres à l’est. Il franchit encore régulièrement la frontière, pour passer des marchandises (aujourd’hui des sacs en grosse toile), mais ne s’aventure pas très loin. Et surtout pas jusqu’à la capitale. Le transporteur montre la paume de sa main droite. On y distingue le cal bruni caractéristique des hommes qui se sont souvent servi d’une kalachnikov. A El-Geneina, cette marque lui vaudrait une mise à mort, explique-t-il par gestes, en passant un doigt sur sa gorge.

Les combattants des Forces de soutien rapide (FSR), une unité paramilitaire commandée par le général Hemetti, et leurs