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Libération
Justice internationale

Darfour : Omar el-Béchir bientôt devant la Cour pénale internationale

Plusieurs anciens dirigeants soudanais vont être remis à la Cour pénale internationale pour leur implication dans le conflit au Darfour, a déclaré la ministre des Affaires étrangères. Parmi eux, le despote déchu Omar el-Béchir.
Le dirigeant militaire soudanais destitué Omar el-Béchir, lors de l'ouverture de son procès pour corruption à Khartoum, le 19 août 2019. (EBRAHIM HAMID/AFP)
publié le 11 août 2021 à 17h16

C’est un pas de plus pour la justice internationale. Poursuivi par la Cour pénale internationale (CPI) depuis plus de dix ans, le tyran déchu Omar el-Béchir, 77 ans, évincé du pouvoir par une contestation populaire inédite en avril 2019 devrait prendre le chemin de La Haye (Pays-Bas), où est installé le tribunal. Après une rencontre à Khartoum avec le nouveau procureur général Karim Khan, la ministre des Affaires étrangères Mariam al-Mahdi a déclaré que «le Conseil des ministres a décidé de remettre les personnes recherchées à la CPI», rapporte l’agence officielle Suna. Outre El-Béchir, deux autres anciens dirigeants sont concernés : l’ex-gouverneur de l’Etat du Kordofan-Sud, Ahmed Haroun, et l’ancien ministre de la Défense, Abdel Rahim Mohammed Hussein, détenus au Soudan.

Guerre du Darfour

El-Béchir, l’ex-homme fort de Khartoum, est visé par plusieurs mandats d’arrêt de la CPI pour «crimes contre l’humanité», «crimes de guerre» (dès 2009) puis «génocide» (un an plus tard). Des faits qu’il est accusé d’avoir perpétrés lors du conflit au Darfour. Dans cette région de l’ouest du pays, le régime à majorité arabe dirigé par El-Béchir s’est opposé à des rebelles issus de minorités ethniques s’estimant marginalisées. La guerre, les massacres et les pillages ont fait plus de 300 000 morts et près de 2,5 millions de déplacés.

Pendant dix ans, le tyran, qui mena le pays d’une main de fer, était parvenu à passer entre les mailles du filet judiciaire. En toute impunité. L’ancienne procureure générale de la CPI, Fatou Bensouda, avait été contrainte de suspendre la procédure contre lui, faute de coopération des différents pays dans lesquels il se rendait, sans être inquiété.

Mais en février 2020, le pouvoir de transition installé à la tête du pays à sa chute en avril 2019 s’est engagé à favoriser sa comparution devant la CPI. Cela après avoir longtemps refusé de le livrer à la justice internationale et estimant que la décision devait revenir au premier gouvernement élu. Un accord de paix historique et inattendu, signé en octobre 2020 entre le gouvernement de transition et plusieurs groupes rebelles du Darfour, insiste sur la nécessité d’une «coopération complète et illimitée» avec la Cour pénale internationale.

Trente ans de sang et de violence

Dans son pays, Omar el-Béchir a déjà été condamné. Reconnu coupable de «corruption» et «possession de devise étrangère» en décembre 2019 (plus de 100 millions de dollars sont découverts à son domicile), il est condamné à deux ans de prison et désormais détenu à la prison de Kober, à Khartoum. Il est aussi jugé par la justice soudanaise pour son rôle dans le coup d’Etat qui l’a porté au pouvoir en 1989 mais son procès a été à plusieurs reprises reporté depuis juillet 2020, les avocats de l’accusé avançant des arguments procéduraux.

Devenu officiellement président en 1993, Omar el-Béchir a mené le Soudan durant trente ans dans le sang et la violence. Mais en 2018, c’est un plan d’austérité au Fonds monétaire international qui emporte le despote. Les prix du pain et de l’essence s’envolent, la contestation populaire prend une ampleur sans précédent malgré la répression sanglante du régime. Le 11 avril 2019, le tyran est chassé par son armée. Désormais, la justice internationale pourra travailler.