Tout autour de l’orphelinat de Mygoma, les combats font rage depuis le 15 avril. Aucune bombe n’a soufflé les fenêtres, aucune balle n’a été tirée dans l’établissement. Mais en six semaines, entre ses murs, des dizaines de très jeunes enfants sont morts de dénutrition, de déshydratation et d’infections non traitées, révèle une enquête de l’agence de presse Reuters publiée lundi. Aux premiers jours de la guerre qui oppose, en plein Khartoum, l’armée régulière aux troupes paramilitaires du général Mohamed Hamdan Daglo, l’intensité des affrontements dans le quartier, situé à quelques centaines de mètres de l’aéroport, a empêché les soignants de rejoindre Mygoma, le plus grand des orphelinats du Soudan. Seule une poignée d’entre eux étaient sur place, ou ont pu accéder au lieu. Pour s’occuper de plusieurs centaines d’enfants.
Des dizaines de bébés, abandonnés, ont succombé. Au rez-de-chaussée, des nouveau-nés fragiles, qui étaient sous traitement médical, sont morts après avoir développé de fortes fièvres. «Ils avaient besoin d’être nourris toutes les trois heures. Il n’y avait personne là-bas, explique le docteur Abeer Abdullah, l’un des soignants de Mygoma. Nous avons essayé de leur administrer une thérapie intraveineuse, mais la plupart du temps, nous n’avons pas pu sauver les enfants.» Un haut responsable de l’orphelinat et un chirurgien qui a pu accéder à l’établissement ont confirmé auprès de Reuters qu’«au moins 50 enfants, dont au moins 25 nourrissons» sont morts depuis le 15 avril. La plupart des victimes avaient moins d’un an.
Coupures de courant par 40°C
L’hécatombe ne s’est pas limitée aux premiers jours de la guerre. Pour la seule journée de vendredi dernier, 13 enfants sont morts. Reuters a également pu consulter sept certificats de décès datés de samedi et dimanche, envoyés par Heba Adullah, un orphelin lui-même devenu aide-soignant à Mygoma. «Tous indiquent l’insuffisance circulatoire comme cause du décès, et tous, sauf un, font également mention de fièvre, malnutrition ou septicémie comme causes pouvant avoir contribué au décès», rapporte Reuters. Huit autres sources ayant visité l’orphelinat ces dernières semaines, jointes au téléphone par l’agence de presse, confirment que les «conditions se sont gravement détériorées et que la mortalité a explosé».
Les pénuries de médicaments et les coupures d’électricité causées par les combats ont transformé l’orphelinat en mouroir. Faute de ventilateurs ou d’appareils de climatisations fonctionnels, les dortoirs brûlants sont devenus étouffants. En cette période de l’année, les températures atteignent souvent 40 °C. Les coupures de courant récurrentes compliquent la stérilisation des équipements. Les trois quarts des hôpitaux de la capitale sont aujourd’hui hors service.
Des discussions sont en cours pour évacuer les orphelins de Mygoma hors de Khartoum, d’après Zeinab Jouda, la directrice de l’établissement. La semaine dernière encore, des frappes aériennes et des tirs d’artillerie lourde ont été signalés dans le secteur. Des enfants ont dû être déplacés de certaines chambres trop exposées, après une explosion dans un bâtiment voisin. La trêve signée par les deux belligérants à Jeddah, en Arabie Saoudite, entrée en vigueur le 22 mai et censée permettre l’acheminement de l’aide humanitaire, n’a jamais été respectée, même si les combats ont baissé en intensité dans la capitale. Elle a été prolongée lundi soir. Washington et Ryad, les deux médiateurs, relèvent chaque jour de «nouvelles violations du cessez-le-feu» mais sans jamais actionner les «sanctions» ou le «mécanisme de surveillance» qu’ils avaient promis de mettre en place.