L’Egypte pointée du doigt à l’ONU. Les membres de l’organisation internationale ont envoyé un signal fort au régime du président égyptien Abdel Fattah al-Sissi, lors de la 46e session du Conseil des droits de l’homme, qui se tient jusqu’au 23 mars.
31 pays ont signé une lettre dénonçant les violations des droits humains en cours dans ce pays d’Afrique du Nord. Dans le texte lu vendredi par l’ambassadrice finlandaise auprès de l’ONU à Genève, Kirsti Kauppi, les Etats s’inquiètent du détournement de l’usage de la législation antiterroriste pour menacer, violenter et incarcérer les journalistes, les politiciens, les avocats et les personnes LGBTQ. Parmi les signataires figurent la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni, les Etats-Unis, le Canada, l’Australie ou encore la Nouvelle-Zélande.
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Tous exhortent l’Etat égyptien à garantir «un espace pour la société civile – y compris les défenseurs des droits humains – afin qu’elle puisse travailler sans crainte d’intimidation, de harcèlement, d’arrestation, de détention ou de toute autre forme de représailles».
Cette déclaration commune a été saluée par de grandes ONG de défense des droits humains : Amnesty International, Human Right Watch, l’Institut du Caire pour l’étude des droits de l’homme (CIHRS) et la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH). «Elle met fin à des années d’inaction affligeante de la part du Conseil des droits de l’homme des Nations unies, malgré la forte détérioration de la situation des droits humains en Egypte, a déclaré Bahey Hassan, directeur du CIHRS. Les Etats devraient continuer à signaler clairement au gouvernement égyptien qu’il n’aura plus carte blanche pour emprisonner, torturer et violer le droit à la vie ou tuer illégalement.»
«La torture est une pratique systématique»
Antoine Madelin, directeur du plaidoyer à la Fédération internationale pour les droits humains, demande également aux Etats de poursuivre leurs efforts en matière de protection des libertés. «Les Etats signataires de cette déclaration, comme la France, doivent en prendre toute la mesure et réellement prioriser le respect des droits humains dans leurs relations diplomatiques et commerciales avec l’Egypte», indique-t-il. Avant d’ajouter : «Nous demandons au gouvernement d’Emmanuel Macron de revoir son partenariat dit stratégique avec l’Egypte et de mettre un terme aux ventes d’armes françaises vers tous les pays qui violent les droits fondamentaux.»
Selon les ONG, 60 000 hommes et femmes sont derrière les barreaux en Egypte en raison de leur opinion. En 2017, le comité de l’ONU contre la torture avait conclu que «la torture est une pratique systématique en Egypte». Depuis la destitution du président Mohamed Morsi par l’armée en 2013 et l’arrivée au pouvoir l’année suivante, à la suite d’un coup d’état militaire, du maréchal Abdel Fattah al-Sissi, une répression croissante cible les opposants dans le pays.
Sans surprise, l’Etat égyptien a rejeté les accusations des membres de l’ONU. Un communiqué du ministère des Affaires étrangères affirme que la déclaration commune contient «des informations erronées». «Aucun avocat, journaliste […] ou militant des droits de l’homme n’est détenu, à moins d’avoir commis un crime justifiant les actions prises contre lui, via un procès ou une enquête juste conduite par [un pouvoir] judiciaire totalement indépendant de l’exécutif», a répliqué de son côté le Sénat égyptien.