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Justice

Boualem Sansal à nouveau condamné en appel à cinq ans de prison en Algérie

Déjà condamné à cinq ans de prison ferme en novembre dernier, l’auteur franco-algérien a vu sa peine confirmée par la cour d’appel d’Alger. En réaction, François Bayrou a dit espérer des «mesures de grâce» du président Tebboune.
Une bannière pour la libération de Boualem Sansal, sur la mairie de Valence (Drôme), le 18 avril 2025. (Nicolas Guyonnet/Hans Lucas. AFP)
publié le 1er juillet 2025 à 9h55
(mis à jour le 1er juillet 2025 à 11h44)

Après 227 jours d’attente, retour à la case départ. Incarcéré depuis le 16 novembre 2024 en Algérie, Boualem Sansal a vu sa condamnation à cinq ans de prison ferme confirmée par la cour d’appel d’Alger ce mardi 1er juillet, alors qu’il risquait jusqu’à dix ans de réclusion.

Condamné en première instance le 27 mars à cinq ans de prison, l’auteur franco-algérien était jugé pour des déclarations en octobre 2024 au média français d’extrême droite Frontières, où il estimait que l’Algérie avait hérité sous la colonisation française de territoires appartenant jusque-là au Maroc.

Accusé d’«atteinte à l’unité nationale», «outrage à corps constitué», «pratiques de nature à nuire à l’économie nationale» et «détention de vidéos et de publications menaçant la sécurité et la stabilité du pays», l’écrivain est surtout au cœur d’une brouille diplomatique entre ses deux pays. Les relations entre eux s’étaient déjà tendues après que la France a reconnu un plan d’autonomie «sous souveraineté marocaine» pour le Sahara occidental, territoire que se disputent depuis 50 ans le Maroc et les indépendantistes du Polisario, soutenus par Alger.

Mais l’arrestation de Boualem Sansal a provoqué une grave crise diplomatique marquée par des expulsions de diplomates de part et d’autre, des restrictions pour les titulaires de visas diplomatiques et un gel de toutes les coopérations. Le 6 mai, l’Assemblée nationale française a adopté une résolution appelant à la «libération immédiate» de l’écrivain, et à subordonner au respect des «engagements internationaux en matière de droits humains» toute «coopération renforcée» entre l’Algérie d’une part, la France et l’Europe de l’autre.

«Que la France défende ses citoyens»

Dans la foulée de la décision de justice, le Premier ministre François Bayrou a souligné que «la situation que Boualem Sansal subit est une situation que tous les Français et le gouvernement français trouvent insupportable, à juste titre». «Maintenant qu’il y a eu condamnation, on peut imaginer que des mesures de grâce, notamment en fonction de la santé de notre compatriote, soient prises», a ajouté le chef du gouvernement en marge d’un déplacement au ministère de l’Intérieur sur la canicule.

Moins de deux heures après le verdict, c’est au tour du Quai d’Orsay de dénoncer une décision «à la fois incompréhensible et injustifiée». «La France regrette la condamnation, affirme le ministère des Affaires étrangères. La France appelle les autorités algériennes à faire preuve d’un geste de clémence et à trouver une issue rapide, humanitaire et digne à la situation de notre compatriote.» Alors que l’auteur est atteint d’un cancer de la prostate, Paris demande à ce qu’il soit «libéré et soigné».

Mais jusqu’à présent, les multiples demandes de libération ou d’une grâce du président algérien Abdelmadjid Tebboune, «un geste d’humanité» réclamé par le président français Emmanuel Macron en personne, sont restées lettre morte. Le célèbre écrivain Yasmina Khadra a plaidé début juin pour sa libération «le plus rapidement possible» lors d’une rencontre avec le président Tebboune. «J’ai fait mon devoir d’écrivain. S’il y a une petite chance, il faut la tenter», a-t-il affirmé. Certains proches de l’auteur ont émis l’espoir qu’il soit gracié à l’occasion du 5 juillet, marquant le 63e anniversaire de l’indépendance de l’Algérie.

«Il faut maintenant que le pouvoir algérien comprenne que la France défende ses citoyens», avait lancé ce mardi matin l’ancienne ministre chargée des Affaires européennes et présidente du comité de soutien à Boualem Sansal, Noëlle Lenoir, au micro d’Europe 1, s’attaquant à la justice algérienne aux «ordres du pouvoir politique».

En première ligne sur le sujet algérien, le très droitier ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau avait réaffirmé au même moment son souhait de voir arriver «au terme et au dénouement de cette affaire» sur France Inter. S’il n’a pas souhaité s’étendre sur le sujet Sansal pour ne «gâcher aucune chance, même la moindre petite chance, de faire en sorte qu’il soit libéré», il lançait toutefois un tacle contre la «soi-disant justice» algérienne et sa probable décision «injuste».

Le ministre d’Etat était plus bavard ces derniers mois. «Ma ligne, qui est celle du rapport de force avec l’Algérie, est celle du gouvernement», affirmait-il en mars dernier. «Il y a aussi une question de fierté du peuple français, qui ne veut plus que l’Algérie puisse nous humilier», martelait-il sur RTL un mois plus tard. Alors que l’ancien sénateur LR souhaitait expulser l’influenceur algérien Doualemn sous le coup d’une Obligation de quitter le territoire français (OQTF), finalement refusé par l’Algérie, il avait été désavoué par le tribunal administratif de Meaux qui avait annulé la procédure. Un camouflet pour le locataire de Beauvau qui avait même voté au Sénat pour la disposition à l’origine de l’annulation de l’OQTF.

Dimanche, un journaliste français a été condamné par la justice algérienne. Reporter indépendant sportif, notamment pour So Foot et Society, Christophe Gleizes, 36 ans, a écopé de sept ans de prison ferme avec mandat de dépôt, pour «apologie du terrorisme» et «possession de publications dans un but de propagande nuisant à l’intérêt national». Dans un communiqué, le Quai d’Orsay a annoncé «vivement regretter» cette condamnation, avançant que «l’ensemble des services demeurent mobilisés pour lui porter assistance».

Mise à jour : à 11h44, avec l’ajout de la condamnation à appel et à 13h18, avec la réaction du Quai d’Orsay