Au milieu des cris, de la cohue, un jeune homme frêle s’engouffre dans une cellule où s’entassent une centaine de détenus. En ce 4 octobre 2019, Djalal Mokrani, 33 ans, va passer sa première nuit à la célèbre prison d’El-Harrach, dans la banlieue d’Alger. Trois jours plus tôt, ce militant actif du Rassemblement Actions Jeunesse (RAJ), à la pointe de la contestation populaire contre le régime, galvanisait la foule des manifestants. A l’instant où il franchit le portail bleu de l’établissement pénitentiaire, il devient un simple numéro d’écrou.
Le militant découvre une salle de 25 mètres sur 10, découpée en plusieurs espaces, les «gourbis», où cohabitent les prisonniers en fonction de leur âge, de leur région d’origine et des affinités. Quelques maigres matelas et couvertures sont posés à même le sol. La pièce compte deux toilettes turques et trois petits lavabos au fond du cachot. Le prévôt (chef de salle) désigne d’emblée à Djalal le gourbi du Hirak, où se trouvent déjà les «détenus du drapeau» – arrêtés pour avoir brandi l’emblème amazigh lors des manifestations, un geste qualifié d’«atteinte à l’intégrité du territoire national». Il retrouve aussi Massinissa Aissous, camarade du RAJ arrêté quelques minutes avant lui à l’issue de la 33e marche hebdomadaire du vendredi. Au moment où Djalal Mokrani a été interpellé, en même temps que l’activiste Hakim Addad, il était justement en train de relayer l’information de l’arrestation de Massinissa sur les réseaux sociau