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Au rapport

En Centrafrique, les mercenaires russes accusés de meurtres et de tortures sur des civils

Un document de l’ONG Human Rights Watch démontre que des paramilitaires russes soutenant le pouvoir en Centrafrique, possiblement membres du groupe Wagner, commettent de graves violences sur des civils depuis 2019.
Des centaines de mercenaires russes opèreraient en Centrafrique depuis plusieurs années. (Armée française.AP)
publié le 3 mai 2022 à 9h52

Le rapport est accablant : des paramilitaires russes soutenant le pouvoir en Centrafrique tuent et torturent des civils «en toute impunité» depuis 2019. C’est ce que démontre l’ONG Human Rights Watch dans un document de treize pages publié ce mardi matin, basé notamment sur les témoignages de dizaines de victimes, proches et témoins.

Des centaines de paramilitaires russes, des «mercenaires» de la compagnie privée de sécurité Wagner selon l’ONU et des capitales occidentales, ont été envoyés en renfort de centaines d’autres qui soutenaient le régime depuis 2018. Grâce à eux, les groupes armés, rebelles ou simples prédateurs, ont été repoussés des deux tiers du territoire, qu’ils occupaient encore en 2020.

«Liens avec le gouvernement russe»

«Le gouvernement centrafricain a certes le droit de demander une assistance internationale en matière de sécurité, mais il ne peut pas permettre à des forces étrangères de tuer et de maltraiter des civils en toute impunité», accuse Ida Sawyer, directrice de la division Crises et conflits à Human Rights Watch. Un lien est clairement établi entre ces «forces russes» et Wagner, ayant «des liens manifestes avec le gouvernement russe».

Le rapport de l’ONG détaille notamment l’exécution par «des hommes parlant russe» de 12 hommes «non armés» arrêtés à un barrage routier, «battus» puis «abattus» d’une balle dans la tête le 21 juillet 2021 près de Bossangoa, à 300 kilomètres au nord-ouest de Bangui. Il évoque des «détentions arbitraires, tortures et exécutions extrajudiciaires» présumées à Alindao (centre) en juin 2021, sur des «hommes arrêtés au hasard dans la rue».

Sollicités par Human Rights Watch sur les accusations du rapport, ni le gouvernement centrafricain, ni le ministère russe des Affaires étrangères n’ont donné suite. Moscou affirme systématiquement que les paramilitaires russes sont des «instructeurs militaires non armés» chargés d’entraîner les soldats centrafricains.

Guerre civile depuis 2013

Déjà fin mars, des experts indépendants de l’ONU dénonçaient ces graves abus de paramilitaires de la société privée Wagner, accusant la mission de maintien de la paix, présente sur place, de fermer les yeux. Fin février, Libération avait levé le voile sur une proximité inédite entre les Casques bleus, normalement tenus à une obligation de neutralité dans leurs missions, et les mercenaires russes.

Ce pays, l’un des plus pauvres du monde, est le théâtre depuis 2013 d’une guerre civile très meurtrière au début mais qui a considérablement baissé d’intensité depuis 2018. Le président Faustin-Archange Touadéra a toutefois appelé Moscou à la rescousse, fin 2020, d’une armée faible et démunie pour repousser une offensive rebelle qui menaçait Bangui et le régime.