Dix ans après la sanglante crise post-électorale qui avait endeuillé la Côte-d’Ivoire, le «perdant» rentre pour la première fois au pays. Mais les fantômes sont toujours là, ceux d’une «bataille des récits» qui est toujours d’actualité. Comme l’explique depuis Abidjan, Franck Hermann Ekra, consultant en stratégie d’image et ancien conseiller de la commission ivoirienne de réconciliation.
Quelle est l’importance du retour de Laurent Gbagbo à Abidjan ce jeudi ?
C’est un retour qui ponctue une décennie de bataille des récits. En réalité, c’est comme si à la fin de la guerre post-électorale de 2010-2011, et après la défaite et l’arrestation de Laurent Gbagbo le 11 avril 2011, on avait appuyé sur le bouton «pause». Les sympathisants de Gbagbo restent convaincus qu’ils ont gagné les élections de 2010, puisqu’ils avaient demandé le recompte des voix, ce qui leur a été refusé. Et ceux d’Alassane Ouattara imposent toujours un récit victimaire, tout aussi persuadés d’être du bon côté. Aujourd’hui, on appuie à nouveau sur «play», mais le film a changé !
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De quelle façon ?
Le scénario est tout autre. On assiste à un retournement du narratif de la culpabilité. Gbagbo n’est pas un opposant qui revient d’exil. C’est un accusé qui a été acquitté par la Cour pénale internationale (CPI). C’est un «innocenté» de crimes contre l’humanité, considérés comme imprescriptibles. Du coup, tous ceux qui se trouvaient dans le box des accusés, symboliquement incarnés par sa seule présence, se se