Voilà une quarantaine de minutes que le tintamarre qui saisit Le Caire au corps, de jour comme de nuit, s’est tu. Nous nous enfonçons à vive allure sur la route de l’Est, qui relie la mégalopole au golfe de Suez. Soudain, au loin, d’immenses arcades se dessinent dans la brume matinale : c’est le point d’entrée de la Nouvelle Capitale administrative (NAC), un projet pharaonique décidé en 2015 par l’homme fort du pays, le maréchal Al-Sissi, et qui n’a pour l’heure ni nom ni habitant.
Pour espérer franchir cette zone liminaire, il convient d’avoir, au choix, une bonne excuse ou un bon accompagnateur – voire les deux. Bienvenue sur le chantier de celle que beaucoup d’Egyptiens appellent ironiquement «Sissi-City», et qui est en train de devenir la nouvelle capitale de la démesure, de la construction à marche forcée, et d’un certain «quoi qu’il en coûte».
Reportage
La folie des grandeurs
Si les contrôles à l’entrée sont rigoureux, c’est que l’endroit est sensible : pour le très autocratique Abdel Fattah al-Sissi, parvenu au pouvoir il y a dix ans à la faveur d’un coup d’Etat militaire, c’est le futur de l’Egypte autant que sa postérité qui se dessinent ici. Le constat est sans appel : il règne sur cet îlot de béton tout droit sorti des limbes du désert un parfum de Golfe. Les autorités l’ont