Menu
Libération
Evasion ou enlèvement ?

En Guinée, l’ancien dictateur Dadis Camara exfiltré de prison par un commando armé puis réarrêté dans la même journée

Enlevé en début de matinée ce samedi 4 novembre, il a été retrouvé et à nouveau placé derrière les barreaux en milieu d’après-midi. On n’en sait que peu sur les conditions de sa brève sortie de prison.
Photo d'archives de l'ancien chef de la junte guinéenne Moussa Dadis Camara lors de son procès en septembre 2022. (Photo/REUTERS)
publié le 4 novembre 2023 à 13h55
(mis à jour le 4 novembre 2023 à 17h24)

La sortie aura été de courte durée. Ce samedi en fin de matinée, on apprenait que l’ancien dictateur guinéen Moussa Dadis Camara avait été sorti de prison ce samedi 4 novembre au matin par un commando lourdement armé après des échanges de tirs nourris dans le centre de Conakry. En milieu d’après-midi, l’armée a finalement déclaré que l’ex chef d’Etat avait été retrouvé «sain et sauf et reconduit en prison», sans en dire plus sur les conditions de sa capture.

L’assaut du commando avait réveillé avant l’aube le centre de la capitale au son des armes automatiques. Un groupe de militaires masqués et lourdement armés était arrivé vers 4 heures du matin devant la prison dont ils avaient forcé les accès, raconte une source judiciaire sous le couvert de l’anonymat compte tenu de la sensibilité du sujet. Ils avaient déclaré «être venus libérer le capitaine Dadis Camara». À l’intérieur, les assaillants, qui semblaient connaître les lieux, s’étaient dirigés vers la cellule du capitaine et en avaient extrait Dadis Camara ainsi que d’autres détenus pour les emmener vers une destination inconnue.

Soupçons d’enlèvement

«Le procureur général m’a confirmé que mon client avait été sorti de prison par des hommes lourdement armés», confirmait en fin de matinée l’avocat de Dadis Camara, Jocamey Haba, évoquant la possibilité que son client ait été emmené contre son gré. «Je continue de penser qu’il a été enlevé. Il a confiance en la justice de son pays, c’est pourquoi il ne va jamais tenter de s’évader», a-t-il ajouté en faisant référence au procès en cours au sujet du massacre perpétré en 2009 sous sa présidence. Alarmiste, il s’inquiétait pour la vie de son client.

L’opération a secoué Kaloum, quartier de la présidence, des institutions, des affaires et d’un certain nombre d’ambassades, mais aussi de la prison centrale. «Il y a des tirs d’armes automatiques et de guerre» à Kaloum, disait aux premières heures du jour un habitant du secteur. «Le centre-ville est bloqué depuis l’aube, pas d’entrée ni de sortie, a confirmé un commerçant. On voulait aller au port où je travaille, mais nous avons été empêchés (de passer) à l’entrée de la presqu’île de Kaloum, où des blindés ont été déployés.»

La Guinée, pays à l’histoire politique tourmentée depuis l’indépendance vis-à-vis de la France, vient d’entrer dans la deuxième année de ce procès, pour lequel Moussa Dadis Camara était détenu depuis le début des audiences en septembre 2022. Les accusés répondent d’une litanie de meurtres, actes de torture, viols et autres enlèvements commis le 28 septembre 2009 par les forces de sécurité au stade du 28-Septembre et aux alentours, dans la banlieue de Conakry, où s’étaient réunis des dizaines de milliers de sympathisants de l’opposition.

Au moins 156 personnes y ont été tuées et des centaines blessées, et au moins 109 femmes violées, selon le rapport d’une commission d’enquête mandatée par l’ONU. Ce procès s’est ouvert alors que le nouvel homme fort du pays, le colonel Doumbouya, a promis après son coup de force de refonder l’Etat guinéen et de faire de la justice sa «boussole».

Après le putsch de 2021, le colonel Doumbouya s’est fait investir président et s’est engagé sous la pression internationale à remettre le pouvoir à des civils élus dans un délai de deux ans à partir de janvier 2023. Les Forces vives de Guinée, collectif de partis et d’organisations d’opposition ont dénoncé des engagements non tenus et une dérive autoritaire, évoquant une «dictature naissante».

Mise à jour à 17h25 : l’ancien dictateur a finalement été retrouvé et est de retour en prison.