Il y a vingt-cinq ans, alors qu’il se promenait dans un marché de la capitale, Freetown, Bala Amarasekan est tombé nez à nez avec un petit chimpanzé enfermé dans une cage et voué à une mort certaine. «Quelque chose s’est passé en moi. C’était comme une voix qui me disait “sauve-le”. Je ne savais pas comment faire et j’ai passé vingt-sept ans à le comprendre. Comme quoi, même les comptables peuvent avoir un impact positif sur le monde», s’amuse le quinquagénaire.
Car depuis lors, le Sri-Lankais, qui est venu vivre avec ses parents en Sierra Leone à l’âge de 17 ans et ne l’a plus quittée, a créé le seul sanctuaire pour chimpanzés du pays, Tacugama. Dans cette oasis de verdure située à 10 kilomètres et trente minutes du centre de la capitale, une centaine de grands singes rescapés du braconnage réapprennent à vivre en société, loin des menaces d’extinction qui pèsent sur eux.
«Notre mission est vitale car, pour chaque chimpanzé sauvé par le refuge, dix ont été tués», souligne, pensif, Bala Amarasekan. On estime qu’il reste 5 500 chimpanzés en Sierra Leone, contre 30 000 au début des années 70. Chassés, braconnés, tués, les chimpanzés ont vu leur population chuter de 80 % entre 1990 et 2014, selon une étude de l’American Journal of Primatology. Au Burkina Faso, en Gambie et au Bénin, ils ont déjà disparu.
Le fondateur du sanctuaire vient d’être nommé commandeur de l’ordre de Rokel, l’une des plus hautes distinctions du pays. Mais cette récompense a un goût amer