Le scrutin suscitait peu d’enthousiasme. Grandissime favori de la présidentielle en Tunisie, le chef d’Etat sortant, Kaïs Saïed, est donné largement vainqueur ce dimanche 6 octobre au soir. Il a remporté l’élection avec 90,7% des voix d’après l’Isie, l’autorité électorale tunisienne, selon un résultat définitif communiqué ce lundi 7 octobre.
Le taux de participation s’est établi à 28,8% des 9,7 millions d’inscrits, a aussi indiqué l’Isie. Le président de l’Isie, Farouk Bouasker, a jugé ce «taux respectable» alors qu’il s’agit de la participation la plus faible pour un premier tour de scrutin présidentiel depuis l’avènement de la démocratie en 2011.
Reportage
Dans le berceau des révoltes démocratiques du Printemps arabe, seuls deux candidats – considérés comme des seconds couteaux – sur 17 postulants avaient été été autorisés à affronter Saïed. Ayachi Zammel et Zouhair Maghzaoui se sont adjugés respectivement 7,35% et 1,97% des suffrages, selon l’Isie.
Ayachi Zammel est un industriel libéral de 47 ans, inconnu du grand public mais emprisonné dès confirmation de sa candidature début septembre. En moins d’un mois, cet ancien député, soutenu par des forces de gauche et des personnalités de l’ancienne majorité parlementaire, a été condamné à 14 ans de prison pour des soupçons de faux parrainages, dans trois procédures séparées. Son équipe a appelé les citoyens à «se rendre aux urnes en masse», exhortant l’Isie à «ne pas manipuler le vote des Tunisiens».
Porteur d’un projet de gauche souverainiste similaire au président sortant, qu’il soutenait jusqu’à récemment, Zouhair Maghzaoui a, lui, dénoncé avant le scrutin son «bilan, égal à zéro».
«Dérive autoritaire»
Mais l’issue du vote ne faisait que peu de doutes. Le Président «a verrouillé le scrutin» et devait le «remporter haut la main», estime ainsi un expert de l’International Crisis Group, Michaël Ayari. Saïed avait été élu en 2019 avec près de 73 % des voix (et 58 % de participation). Ce spécialiste de droit Constitutionnel à l’image d’incorruptible s’était ensuite emparé des pleins pouvoirs à l’été 2021, promettant l’ordre après des années d’instabilité politique. Trois ans plus tard, beaucoup de Tunisiens lui reprochent d’avoir surtout consacré son énergie à régler ses comptes avec ses opposants, en particulier le parti islamo-conservateur Ennahdha.
Une «dérive autoritaire» du pouvoir est dénoncée depuis 2021 par les ONG tunisiennes et étrangères et l’opposition. Tous fustigent le démantèlement des contrepouvoirs instaurés en 2011 et l’étouffement de la société civile avec l’arrestation de syndicalistes, militants, avocats et chroniqueurs politiques. Selon Human Rights Watch, «plus de 170 personnes sont actuellement détenues pour des motifs politiques ou pour avoir exercé leurs droits fondamentaux».
Mise à jour : lundi 7 octobre à 21h25 avec les résultats officiels.