Depuis sa glorieuse mise à l’eau, après la révolution de 2011, le bateau de la démocratie tunisienne a affronté bien des tempêtes. Ces derniers mois, usé par les conflits politiques, il prenait l’eau de toute part. Le capitaine, le président de la République Kaïs Saïed, était en conflit ouvert avec son équipage, les députés de l’Assemblée des représentants du peuple, et avec l’homme de barre, le chef du gouvernement Hichem Mechichi. Dans la nuit de dimanche, le navire s’est brutalement échoué, sur décision du chef de l’Etat. Sans que l’on sache, encore, s’il s’agit d’une avanie temporaire ou d’un vrai naufrage.
«Selon la Constitution, j’ai pris des décisions que nécessite la situation afin de sauver la Tunisie, l’Etat et le peuple tunisien», a solennellement annoncé Kaïs Saïed le jour de la fête de la République, à l’issue d’une réunion d’urgence au Palais de Carthage avec des responsables de l’armée et de la police. Le chef de l’Etat, responsable en temps normal de la Défense et des Affaires étrangères, s’est octroyé les pleins pouvoirs exécutifs – le chef du gouvernement a été limogé – et a annoncé un «gel» des travaux du Parlement pendant trente jours. L’armée a été massivement déployée autour du Palais du Bardo, où siègent les parlementaires, pour leur en barrer l’accès.
Les principaux partis tunisiens ont immédiatement dénoncé un «coup d’Etat institutionnel». A commencer par ceux de la majorité, et notamment le premier d’entre eux, la formation islami