La date du scrutin est enfin connue. L’élection présidentielle en Tunisie aura lieu le 6 octobre, a annoncé mardi 2 juillet le président Kaïs Saïed, au pouvoir depuis 2019 et dont le mandat de cinq ans expire à l’automne. Le chef de l’Etat n’a néanmoins toujours pas encore annoncé s’il briguerait un nouveau mandat.
Expert en droit constitutionnel, élu démocratiquement en octobre 2019, Kaïs Saïed, 66 ans, s’est octroyé les pleins pouvoirs en juillet 2021, faisant vaciller la jeune démocratie tunisienne née de la première révolte du printemps arabe. A l’issue de plusieurs mois de blocage politique, l’ancien enseignant avait alors limogé le Premier ministre et gelé le Parlement avant de le dissoudre. Il a ensuite fait adopter une nouvelle Constitution par référendum à l’été 2022 instituant un nouveau système de deux chambres aux pouvoirs très limités : l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) et un Conseil national des régions et des districts.
Cette révision constitutionnelle a fait passer la Tunisie d’un régime parlementaire à un système ultra-présidentialiste qui consacre, selon ses détracteurs, la dérive autoritaire de Kaïs Saïed. Depuis le printemps 2023, les principaux opposants ont été emprisonnés, notamment le chef du parti islamo-conservateur Ennahdha, Rached Ghannouchi, et la présidente du Parti destourien libre, Abir Moussi, nostalgique des dictatures du héros de l’indépendance Habib Bourguiba et de Zine el-Abidine Ben Ali, renversé lors du printemps arabe en janvier 2011.
Depuis son coup de force, Kaïs Saïed dirige le pays par décrets. A plusieurs reprises ces derniers mois, le président a ordonné le limogeage de divers ministres et hauts fonctionnaires. Depuis février dernier, une vingtaine d’opposants et personnalités ont été emprisonnés et sont «accusés de complot contre la sûreté de l’Etat» et Kaïs Saïed les a qualifiés de «terroristes». Des ONG dont Amnesty International ont dénoncé «une chasse aux sorcières motivée par des considérations politiques».
Ennahdha, bête noire de Kaïs Saïed, a dominé les coalitions des dix années qui ont suivi la révolution démocratique de 2011. La grave crise politique que traverse la Tunisie depuis le coup de force du chef de l’Etat se double de graves difficultés économiques avec une croissance poussive (environ 2 %), un taux de pauvreté en hausse (4 millions de Tunisiens sur 12 millions d’habitants) et un chômage très élevé (15 %). La Tunisie est, avec la Libye, l’un des principaux points de départ des migrants qui risquent des traversées périlleuses en mer Méditerranée dans l’espoir de rejoindre l’Europe.
Depuis un discours aux accents xénophobes du président Kaïs Saïed en février 2023, de nombreux ressortissants d’Afrique subsaharienne séjournant illégalement en Tunisie ont perdu leur logement et leur travail le plus souvent informel. L’été dernier, des milliers d’entre eux ont été expulsés vers la Libye et l’Algérie, abandonnés en plein désert par les forces de sécurité tunisiennes, sans eau et sans nourriture. En mai, le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme a dénoncé «l’intimidation et le harcèlement» dont sont victimes en Tunisie des avocats et membres des médias critiques du gouvernement et de ses politiques migratoires.