Le ciel se couvre d’un voile de nuages sombres. Le grondement lointain du tonnerre est percé de tirs qui claquent, tout proches. Des combats entre d’un côté les rebelles du M23, appuyés par les forces de défense rwandaises, de l’autre l’armée congolaise et ses alliés miliciens «patriotes», se concentrent autour de la petite ville de Sake, dernier bastion, à une vingtaine de kilomètres à l’ouest de Goma, la capitale provinciale du Nord-Kivu, où des centaines de milliers de déplacés ont trouvé refuge. Depuis la poussée des rebelles, début février, les Forces armées de la république démocratique du Congo se cantonnent sur une base militaire, à l’entrée de la cité, régulièrement visée par de lourds obus qui y figent le temps et déchirent les corps.
Sur le front, ce sont des gamins, armes à la main, bottes de caoutchouc aux pieds et vestes treillis trop larges sur le dos, qui défendent une frontière invisible. Leurs visages juvéniles incarnent la guerre sale qui les a engloutis. «Nous défendons notre terre contre les agresseurs. Nous sommes les fils de la patrie», dit Philémon, un adolescent timide, tenue kaki, béret vert sur la tête et discours rodé. Il est l’un des «gardes du corps» du commandant en charge de la zone au sein de l’Alliance des patriotes pour un Congo libre et souverai