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Libération
Liberté de la presse

Ethiopie : le journaliste français Antoine Galindo, détenu depuis une semaine, a été libéré

Arrêté le 22 février en compagnie d’un opposant politique avec qui il avait rendez-vous, le chef de la rubrique Afrique de l’Est de la publication spécialisée Africa intelligence a été libéré ce jeudi 29 février. Il a ensuite pris le chemin de la France.
Antoine Galindo est chef de la rubrique Afrique de l'Est pour le média Africa Intelligence. ( Africa Intelligence/Indigo Productions)
publié le 1er mars 2024 à 8h22

Après une semaine d’inquiétude, le soulagement. Le journaliste français Antoine Galindo, incarcéré depuis le 22 février en Ethiopie, a été libéré ce jeudi 29 février et est en route pour la France, assure son employeur, la publication spécialisée Africa Intelligence. «Je vais bien, je suis en bonne santé» et «j’ai été bien traité», malgré des conditions de détention difficiles, a-t-il assuré juste avant son départ pour l’Hexagone.

Antoine Galindo a été arrêté le 22 février dans un hôtel du centre d’Addis Abeba, en compagnie d’un responsable du Front de libération oromo (OLF), parti d’opposition légalement enregistré, avec qui il avait rendez-vous. Ce dernier est toujours incarcéré. Le journaliste a comparu le surlendemain devant un juge qui a ordonné son maintien en détention. A l’audience, la police a dit soupçonner le journaliste de «conspirer pour créer le chaos» en Ethiopie.

Selon une source proche du dossier, elle l’a accusé d’être en lien à la fois avec l’Armée de libération oromo (OLA), groupe armé actif dans l’Etat régional de l’Oromia et classé «terroriste» en Ethiopie, et avec les milices populaires amhara «Fano», qui affrontent les forces fédérales dans l’Etat régional de l’Amhara. Africa Intelligence a dénoncé des «accusations fallacieuses» qui «ne se basent sur aucun élément tangible» et une «arrestation injustifiée».

Antoine Galindo, 36 ans, chef de la rubrique Afrique de l’Est d’Africa Intelligence, était arrivé en Ethiopie le 13 février pour couvrir notamment le Sommet de l’Union africaine (UA) à Addis Abeba, siège de l’organisation panafricaine qui lui avait délivré une accréditation. Il connaît bien l’Ethiopie pour y avoir été, entre 2013 et 2017, correspondant pour plusieurs médias internationaux. Mercredi, Selamawit Kassa, le secrétaire d’Etat éthiopienne à la Communication, expliquait que le journaliste français avait été arrêté pour avoir outrepassé son accréditation, laquelle l’autorisait, selon elle, uniquement à couvrir le Sommet de l’UA, et pour avoir collecté illégalement «des informations sur des questions politiques internes» à l’Ethiopie.

L’Ethiopie, «deuxième pire geôlier de journalistes en Afrique subsaharienne»

Le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) avait dénoncé «une arrestation injuste» qui «éclaire le contexte épouvantable pour la presse en général en Ethiopie […] deuxième pire geôlier de journalistes en Afrique subsaharienne». Reporters sans Frontières (RSF) avait fustigé une «détention arbitraire», y voyant «la terrible illustration» de «l’hostilité envers le journalisme indépendant» de la part des autorités éthiopiennes qui «cherchent à contrôler le narratif des récentes tensions sociopolitiques».

Deuxième pays le plus peuplé d’Afrique (120 millions d’habitants) et mosaïque de quelque 80 communautés ethno-linguistiques, l’Ethiopie est minée par plusieurs conflits locaux, particulièrement en Oromia et en Amhara, les deux Etats régionaux les plus peuplés. Après des décennies de répression, la liberté de la presse avait fait des progrès spectaculaires à l’arrivée au pouvoir en 2018 de l’actuel Premier ministre Abiy Ahmed qui avait fait libérer plusieurs journalistes et opposants.

Mais la situation s’est à nouveau dégradée depuis 2020 et le début de deux ans de guerre contre les autorités dissidentes de l’Etat régional du Tigré. L’Ethiopie a incarcéré plusieurs journalistes éthiopiens et expulsé plusieurs journalistes étrangers depuis 2020, mais l’emprisonnement d’un journaliste étranger est une première depuis plus de trois ans et l’incarcération mi-2020 durant plus d’un mois d’un journaliste kényan.

Vu à son arrivée au pouvoir comme un réformateur capable de moderniser l’Ethiopie après des décennies de régimes autoritaires, Abiy Ahmed, prix Nobel de la paix 2019, a déçu les espoirs placés en lui. En 2023, selon Reporters sans frontières (RSF), l’Ethiopie pointait au 130e rang mondial en matière de liberté de la presse, en chute de 16 places par rapport à 2022. Selon l’ONG, au 1er janvier 2024, quinze journalistes étaient en prison.