Peu après l’annonce par l’arrestation par la police marocaine de Badiss Mohamed Bajjou, suspecté d’avoir été le commanditaire d’une grande partie des enlèvements qui ont fait trembler le milieu de la cryptomonnaie ces derniers mois, le garde des Sceaux Gérald Darmanin a remercié les autorités marocaines «pour cette arrestation qui montre l’excellente coopération judiciaire» entre Paris et Rabat, «en particulier contre la criminalité organisée».
A présent, Paris désirerait naturellement rapatrier le suspect, qui «faisait l’objet de deux notices rouges dans le but de son arrestation provisoire aux fins d’extradition», tel que le précise à Libération l’entourage de Bruno Retailleau. L’une d’entre elles concerne notamment des faits d’«arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire d’otage pour obtenir l’exécution d’un ordre ou d’une condition, commis en bande organisée».
Mais bien qu’il existe une convention d’extradition entre le Royaume du Maroc et la République française, entrée en vigueur en 2011, ni Rabat, ni Paris n’acceptent l’extradition de leurs ressortissants. Badiss Mohamed Bajjou, présenté comme «franco-marocain» par le communiqué de la police marocaine, «ne pourra pas être remis par le Maroc à la France pour s’expliquer devant la justice de cette dernière», tranche Zakaria Mrini, juriste et président de l’association marocaine des jeunes avocats. Qu’adviendra-t-il de Bajjou ? «Le code de procédure pénale marocain prévoit que tout fait qualifié de crime par la loi marocaine et commis hors du royaume par un Marocain peut être poursuivi et jugé au Maroc», explique Me Mrini.
La possibilité d’un transfert vers les prisons françaises
Le cas Badiss Mohamed Bajjou rappelle celui de Nabil Ibelaten. En 2013, ce Franco-Marocain s’était rendu célèbre en réussissant un casse dans une horlogerie de luxe à Cannes. Condamné par la justice française par contumace à dix ans de prison et 200 000 euros, il avait pris la fuite au Maroc, où il s’amusait à narguer à distance les magistrats français. Il est finalement arrêté par les autorités marocaines en 2015, qui ont refusé de l’extrader, après qu’il a demandé à s’expliquer devant la justice de l’Hexagone.
Mais selon Mohamed Aghnaj, avocat pénaliste à Casablanca, Badiss Mohamed Bajjou pourrait néanmoins se retrouver derrière les barreaux en France. En cas de condamnation au Maroc, il pourrait y être transféré pour purger sa peine. Paris et Rabat ont signé en 1981 une convention permettant le transfèrement des détenus. Depuis un avenant datant de 2007, l’application de la convention aux personnes possédant la double nationalité française et marocaine est possible. «Ça reste une question de souveraineté de la part du Maroc», commente Me Aghnaj, tandis que Me Mrini y voit «une possibilité, mais très compliquée».