C’est un chiffre qui fait froid dans le dos : dans les pays de la Corne de l’Afrique (Ethiopie, Kenya et Somalie), une personne meurt de faim toutes les 48 secondes, selon un rapport publié ce mercredi par les ONG Oxfam et Save the Children. Une crise d’ampleur aux causes multiples : conflits armés, ralentissement de l’économie liée à l’épidémie de Covid-19, hausse des prix des produits alimentaires du fait de la guerre en Ukraine, épisodes de sécheresse… Et qui rappelle la famine meurtrière qui avait coûté la vie à plus de 250 000 Somaliens, dont de nombreux enfants, entre 2010 et 2012.
La crise alimentaire, à l’époque, avait frappé quelque 13 millions d’habitants de la région. Les images des corps rachitiques des victimes de la faim avaient fait le tour du globe et déclenché une indignation mondiale, de nombreux pays annonçant des dons de plusieurs millions d’euros. Trop tard, selon les auteurs du rapport. «Le temps que la communauté internationale réagisse à grande échelle aux alertes précoces émises par les systèmes nationaux, les populations avaient épuisé leurs derniers mécanismes d’adaptation», rappellent ces derniers.
A decade ago we said “never again” to famine. But @Oxfam' & @save_children's Dangerous Delay 2 Report has found that the world has again failed to avert #Hunger.
— Save the Children International (@save_children) May 18, 2022
23M people in the Horn of Africa are facing extreme hunger. #NoMoreDelays.
Read the report: https://t.co/zPJaFynQKu pic.twitter.com/fcCp6Y81R9
Oxfam et Save the Children indiquent que 23 millions de personnes vivent désormais dans des conditions considérées comme «critiques» ou pire par la catégorisation IPC, qui fait référence dans le monde en matière de sécurité alimentaire. Evalué à 10 millions environ en 2021, ce chiffre a plus que doublé en un an. Parmi ces sinistrés, un demi-million d’habitants de Somalie et de certaines zones d’Ethiopie seraient en situation de «famine», le stade le plus élevé dans le baromètre de l’IPC. Les enfants sont particulièrement menacés : 5,7 millions d’entre eux sont en situation de malnutrition aiguë, et 350 000 mineurs somaliens pourraient périr pendant l’été en l’absence de réponse rapide à la crise.
Signaux d’alerte
Dans leur rapport, titré «Un retard dangereux 2 - Le coût de l’inaction», les deux organisations dénoncent l’attitude de la communauté internationale, incapable selon elles de retenir les leçons du passé et d’anticiper une crise pourtant précédée d’innombrables signaux d’alerte. Ainsi des états d’urgence dus à la sécheresse déclarés, en septembre 2021 et en novembre, par les gouvernements du Kenya et de la Somalie. Ainsi aussi de ce rapport de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) qui s’inquiétait en février que «la combinaison de saisons consécutives de précipitations inférieures à la moyenne, des prix élevés des denrées alimentaires et des conflits localisés risque d’aggraver davantage l’insécurité alimentaire aiguë en Somalie». «Une fois de plus, nous réagissons trop tard et avec trop peu de moyens pour éviter la crise», déplorent les auteurs du rapport.
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Convaincues que «la famine est un échec d’ordre politique», Oxfam et Save the Children appellent les gouvernants à changer radicalement d’approche en privilégiant l’anticipation, la prévention et le dialogue avec les acteurs locaux, et en s’attaquant aux causes structurelles de la faim. «Empêcher les gens de mourir de faim sans action politique pour s’attaquer aux facteurs sous-jacents – notamment les inégalités, les conflits et la crise climatique – ne mettra pas fin aux crises cycliques – et prévisibles – vécues par des millions de personnes dans le monde», écrivent-elles. D’autant plus qu’avec la crise climatique, les épisodes de sécheresse devraient se faire de plus en plus en nombreux et intenses, dans la Corne de l’Afrique comme ailleurs dans le monde.