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Immobilier

Gabon : la carte des luxueuses adresses «mal acquises» du clan Bongo à Paris

«Libération» a cartographié les hôtels particuliers et les somptueux appartements acquis par la dynastie. Les juges français qui enquêtent sur ces biens mal acquis estiment qu’ils sont le fruit de l’argent de la corruption menée au Gabon par les compagnies pétrolières, dont le français Elf-Total.
(Alice Clair)
publié le 30 août 2023 à 17h26

Identifiées par les juges français chargés d’instruire l’affaire des «biens mal acquis», de nombreuses propriétés achetées par la famille au pouvoir au Gabon depuis que le fondateur de la dynastie, Omar Bongo, en a été élu le président en 1967 (Ali Bongo, le fiston, est visé par un coup d’Etat depuis ce mercredi 30 août), révèlent un goût prononcé pour la pierre de grand luxe et les quartiers où il fait bon vivre. Tombés dans l’escarcelle du clan grâce, selon la justice, aux flots d’argent de la corruption menée par les majors du pétrole, dont le français Elf-Total, ces 28 biens faisant l’objet d’une saisie pénale ne sont situés qu’à des adresses prestigieuses, du triangle d’or à deux pas des Champs-Elysées aux rues plus discrètes de la rive gauche, et en aucun cas dans les quartiers de l’Est parisien. Des dizaines de Bongo – les filles et les fils de l’autocrate, dont Ali Bongo, président désormais sous surveillance – ont bénéficié de ces «biens d’exception», comme disent les agents immobiliers.

Un immense hôtel particulier de plus de 5 400 mètres carrés, édifié en 1708 rue de l’Université (dans le VIIe arrondissement de la capitale, quartier des ministères et des ambassades), où vécurent le couturier Karl Lagerfeld ou la famille Pozzo di Borgo, voisine dans la liste avec des petits cocons moins imposants, tel l’hôtel particulier de la rue Edmond-Valentin (dans le VIIe également), celui de la rue Dosne, une allée privée du XVIe arrondissement, ou encore celui de la rue de la Baume (VIIIe arrondissement). De somptueux appartements sont situés dans les artères les plus chics de Paris, telles la rue François-Ier, l’avenue Victor-Hugo, le boulevard Lannes, la rue de la Faisanderie sans oublier l’incontournable avenue Foch. D’autres propriétés ont été acquises dans le XVe arrondissement, moins bling-bling, et aussi rive gauche, rue Séguier – la rue où l’acteur Claude Brasseur a longtemps vécu, à deux pas de la Seine. Le clan appréciait aussi la Côte d’Azur, comme en témoignent les nombreuses villas acquises à Nice.

Quelle est la valeur de ces biens ? Incalculable. Une ordonnance judiciaire datée de 2022 l’estime à 85 millions d’euros, mais on est très loin du compte. Certaines propriétés ont été acquises dans les années 70 pour une bouchée de pain, et la hausse du foncier parisien a fait exploser les plafonds. La seule demeure rue de l’Université avait été acquise pour près de 100 millions d’euros… Récemment, comme le Canard enchaîné l’avait raconté, Ali Bongo tentait de transformer cet immeuble d’habitation en résidence diplomatique au profit de la République gabonaise, bénéficiant donc de l’immunité. Un beau débat juridique en perspective…