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Interview

Gaël Faye : «Trente ans après le génocide au Rwanda, il n’y a plus de discours publics qui stigmatisent l’autre»

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Génocide des Tutsis au Rwandadossier
A l’occasion des commémorations des 30 ans du génocide, le rappeur et écrivain qui vit à Kigali évoque l’héritage de cette tragédie pour les jeunes générations.
Gaël Faye à Kigali, le 14 mars. (Paloma Laudet/Hors format pour Libération)
publié le 4 avril 2024 à 7h55

«Ce maudit mois d’avril», chantait il y a déjà plus de dix ans Gaël Faye, rappeur et écrivain, en évoquant le mois qui, en 1994, avait marqué le début du génocide des Tutsis au Rwanda. Cette chanson, Petit Pays, est devenue le titre d’un roman qui sera adapté dans une BD qui sortira le 12 avril (éd. Dupuis). Il nous livre son regard sur un pays où 60% de la population est née après la tragédie.

Que savent les jeunes Rwandais de l’histoire tragique de leur pays ?

Officiellement il n’y a plus de Hutus ni de Tutsis, on leur répète qu’ils sont tous rwandais désormais, et qu’il faut tourner la page. C’est nécessaire, car c’est l’antagonisme ethnique fabriqué de toutes pièces par la colonisation et exploité politiquement par la suite qui a mené au génocide. Chaque année, pendant trois mois, et surtout la semaine du 7 avril, l’ambiance est très lourde : les commémorations du génocide plongent le pays dans le deuil. La jeunesse se retrouve prise en étau entre ce passé toujours vivace et leur désir d’avenir, leur envie de se dire que c’est de l’histoire ancienne. C’est un réflexe humain, on ne peut pas vivre en permanence avec ce souvenir traumat