L’armée française échappe, une fois encore, à la condamnation, a-t-on appris ce mercredi 18 octobre. Les juges d’instruction parisiens chargés de l’enquête sur l’inaction des troupes françaises lors des massacres de Bisesero, perpétrés au Rwanda en 1994, ont rendu une nouvelle ordonnance de non-lieu général mardi.
Dans cette affaire, les parties civiles, à savoir les associations Survie, Ibuka, la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) et six rescapés des massacres, accusaient la France et son armée de «complicité de génocide». Selon eux, la mission militaro-humanitaire Turquoise avait sciemment abandonné pendant trois jours les civils tutsis réfugiés dans les collines de Bisesero, dans l’ouest du Rwanda, laissant se perpétrer le massacre de centaines d’entre eux, du 27 au 30 juin 1994.
Des erreurs procédurales pointées en appel
Avec cette ordonnance de non-lieu, les juges d’instruction campent sur leurs positions. En septembre 2022, les deux magistrats en charge de l’enquête avaient déjà rendu une décision identique, arguant que leurs investigations, formellement closes en juillet 2018, n’avaient pas établi la participation directe des forces militaires françaises à ces exactions. Pas plus que leur complicité par aide, assistance ou même abstention aux génocidaires.
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A l’époque, les parties civiles s’étaient rendues devant la cour d’appel de Paris. Elle leur a donné raison en juin, sur des motifs procéduraux. De quoi donner un nouvel espoir aux associations et rescapés, qui souhaitaient poursuivre les investigations. Fin septembre, ils ont en outre réclamé l’audition de l’historien Vincent Duclert, le dirigeant du fameux rapport Duclert, publié en avril 2021 et pointant «l’échec profond» de la France lors de ces massacres.
«Les juges persistent dans leur déni»
Mais l’historien ne sera jamais entendu. Selon les juges, «les documents cités en référence par les auteurs du rapport […], dans leur immense majorité, figurent déjà en procédure ou trouvent, dans les pièces de l’information judiciaire, des équivalents ou une résonance». Le 28 juillet, le parquet de Paris a finalement requis un nouveau non-lieu, menant les juges d’instruction à ordonner mardi 17 octobre l’abandon de l’enquête.
Une grave erreur, selon Eric Plouvier, l’avocat de Survie : «Les juges persistent dans leur déni et leur refus de tirer les conséquences du rapport Duclert pointant les défaillances institutionnelles autour du président de la République François Mitterrand.» «Les investigations auraient permis de savoir quelles incidences ces dysfonctionnements ont eues pour l’abandon et la mort de centaines de Tutsis à Bisesero», a martelé l’avocat. Il l’assure, il compte bien faire appel.