Un négationnisme qu’il ne pourra plus nier. Jugé à Paris en octobre pour ses propos sur le génocide des Tutsis au Rwanda, l’auteur franco-camerounais Charles Onana a été condamné ce lundi 9 décembre à une amende de 8 400 euros. L’homme de 60 ans, qui se présente aussi comme politologue et journaliste d’enquête, s’est justement fait connaître par ses écrits [controversés, négationnistes] sur le génocide de 1994.
En cause, une vingtaine de passages litigieux contenus dans un livre paru en octobre 2019 et intitulé Rwanda, la vérité sur l’opération Turquoise. Quand les archives parlent. Il y dénonce notamment «le dogme ou l’idéologie du “génocide des Tutsis”», et affirme que «le conflit et les massacres du Rwanda n’ont rien à voir avec le génocide des Juifs !». Et fustige : «La thèse conspirationniste d’un régime hutu ayant planifié un “génocide” au Rwanda constitue l’une des plus grandes escroqueries du XXe siècle.»
Justice
Ses propos avaient déclenché une vive polémique et une plainte avait été déposée en 2020 par les associations Survie, la Ligue des droits de l’homme (LDH) et la Fédération internationale des droits humains (FIDH) contre Charles Onana et son éditeur, Damien Serieyx, des Editions du Toucan. Ce dernier a écopé d’une amende de 5 000 euros. Les deux hommes ont également l’obligation de payer un montant total de 11.000 euros aux différentes associations de défense des droits humains qui s’étaient constituées parties civiles dans ce procès.
Près de 800 000 morts entre avril et juillet 1994
Lors du procès, la procureure avait notamment dénoncé «une approche réductrice et erronée car elle omet délibérément la finalité [du génocide] : la destruction totale ou partielle du groupe tutsi». Et de conclure : «Vous avez là tout l’arsenal négationniste», estimant que l’auteur avait «clairement dépassé les limites de la liberté d’expression» en «minorant» et en «banalisant» l’existence du génocide contre les Tutsis.
Lorsqu’il utilise presque systématiquement les guillemets en écrivant le mot «génocide», ou lorsqu’il le qualifie de «dogme» ou d’«idéologie», insinuant ainsi qu’il «s’agit de croyances, par définition opposées à la science», Charles Onana fait preuve de «négationnisme pur et simple», avait pour sa part dénoncé Me Sabrina Goldman, avocate de la Licra, également partie civile.
A la barre, Charles Onana avait expliqué faire la différence «entre les civils tutsis qui ont été victimes d’un génocide et des rebelles qui mènent une action violente et qui ont conquis le pouvoir par la force des armes», en référence au Front patriotique rwandais (FPR, toujours au pouvoir à Kigali). Pour justifier la qualification d’«escroquerie» à propos de la «planification» du génocide, pourtant reconnue par plusieurs juridictions en France et à l’étranger, le Franco-Camerounais a affirmé qu’elle renvoyait toujours au FPR, «qui le met en avant dès le mois d’avril 1994» sans pour autant «en apporter la preuve».
A la barre
Depuis 2017, la loi sur la liberté de la presse punit le fait de nier, minorer ou banaliser de façon outrancière tous les génocides reconnus par la France et pas seulement celui des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. Celui commis au Rwanda en 1994, à l’instigation du régime extrémiste hutu alors au pouvoir, a fait près de 800 000 morts entre avril et juillet, essentiellement parmi la minorité tutsie, mais aussi des Hutus modérés, selon l’ONU.