Sur son site internet, la société française Lacroix Defense présente le «Galix» comme un «système de contre-mesures passives» pour les forces terrestres. En résumé, des tubes lanceurs qui peuvent être fixés sur un blindé et tirer «des leurres et des munitions à faible létalité réduite» pour le protéger. Un produit conçu avec un autre français : Nexter, devenu KNDS France.
Dans une enquête publiée jeudi, l’ONG Amnesty International révèle qu’elle a repéré ce système Galix sur des blindés émiratis fournis à l’un des belligérants de la guerre au Soudan. En l’occurrence, aux paramilitaires des Forces de soutien rapide (RSF), dirigées par le général Mohamed Hamdan Daglo, alias Hemetti. Depuis le 15 avril 2023, il est en guerre contre l’armée soudanaise, commandée par le général Abdel Fattah al-Burhan.
Conditions de vie «apocalyptiques»
Les deux hommes étaient auparavant alliés. Leur affrontement s’est traduit par une guerre particulièrement sanglante au bilan non comptabilisé précisément, mais qui se chiffre au minimum en dizaines de milliers de morts. En mai, l’envoyé spécial américain pour le Soudan, Tom Perriello, estimait qu’il pouvait atteindre 150 000 morts. Le conflit a aussi provoqué une crise humanitaire sans précédent, avec des conditions de vie «apocalyptiques», selon l’ONU.
Que vient faire là une entreprise française ? La société Lacroix Defense est l’un des fournisseurs de la société émiratie Edge qui fabrique entre autres le blindé Nimr Ajban. Elle n’est pas la seule, les Emirats arabes unis et la France ayant noué des partenariats significatifs en matière de défense. Selon le rapport parlementaire sur les exportations d’armes de 2024, les entreprises françaises ont fourni aux Emirats des équipements militaires pour une valeur de 2,6 milliards d’euros entre 2014 et 2023.
«Violation flagrante de l’embargo»
Mais les Emirats sont aussi l’un des premiers soutiens d’Hemetti et de ses forces paramilitaires. Ils le connaissent bien, le général rebelle contrôlant les mines d’or du pays et ayant mis en place avant la guerre une filière d’exportation via les Emirats. Abou Dhabi a par ailleurs eu recours aux hommes d’Hemetti dans les guerres au Yémen et en Libye.
Le problème pour Lacroix Defense est que le Soudan est sous le coup d’un double embargo sur la livraison d’équipements militaires. L’un dicté par l’Union européenne en 1994, l’autre par l’ONU qui se cantonne à la région du Darfour. «Le système Galix est déployé par les RSF dans ce conflit, et toute utilisation au Darfour constituerait une violation flagrante de l’embargo sur les armes décrété par les Nations unies, a déclaré la secrétaire générale d’Amnesty International, Agnès Callamard. Le gouvernement français doit veiller à ce que Lacroix Defense et KNDS France cessent immédiatement de fournir ce système aux Emirats arabes unis.»
Dans un communiqué diffusé le 14 novembre, la société Lacroix Defense «confirme avoir fourni des systèmes d’autoprotection Galix à destination des forces armées émiraties mettant en œuvre des contremesures fumigènes de masquage. Ces livraisons ont été réalisées dans le strict respect des licences d’exportation accordées à Lacroix et des certificats de non réexportation associés».
Article actualisé le 14 novembre à 16 h 30 après la publication d’un communiqué de Lacroix.